Les genres et les styles musicaux typiquement haïtiens à partir du 20e siècle

La musique est l’une des plus vieilles expressions artistiques des peuples, des générations, et des régions du globe. Principalement, il en existe trois types : la musique savante dont la composition est écrite sur partition ; la musique traditionnelle qui se transmet en général de bouche à oreille et propre à une culture ou une région ; et la musique populaire qui demeure la plus consommée et la plus industrialisée dans le monde d’aujourd’hui. Chaque type de musique comprend des genres spécifiques et une variété de styles identiques à un pays. Dans cet article, nous allons brièvement présenter les genres et styles musicaux typiquement haïtiens.

La méringue haïtienne
La méringue est une musique du terroir dont la rythmique a évolué avec le temps. Issue de la paysannerie haïtienne puis adoptée par la classe des élites, elle se jouait dans les salons au début du 19e siècle. Son instrumentation était très classique. Cependant, vers la seconde moitié du 20e siècle, la tendance s’est popularisée sous l’impulsion des groupes et des noms comme conjunto international, l’orchestre jazz des jeunes, l’orchestre Saieh, et la célèbre chanteuse Lumane Casimir. Passée d’un rythme langoureux à un rythme doucement accéléré, elle faisait danser la classe moyenne et les jeunes dans les soirées de bals. Un peu plus tard, le compositeur et trompettiste Oréus Murat y a inséré des rythmes traditionnels tels que : Ibo, Pétro, Rabòday, Congo, puis créa ipso facto le style Vodou-djaz avec des arrangements pour orchestre. Au dernier moment a émergé la méringue carnavalesque, une tendance fortement chaude et entrainante qui, jusqu’à présent, continue de raviver le cœur des foules au cours de cette période festive.

Les musiques traditionnelles

Les musiques traditionnelles puissent leur originalité dans les expressions vaudouesques et le brassage culturel des coupeurs de cannes revenus de Cuba et de la République Dominicaine. Il s’agit des chants folkloriques, le rara et le twoubadou.

Les chants folkloriques désignent surtout les prières et les plaintes adressées aux divinités de la spiritualité Vodou au rythme d’un tambour. Généralement, ils sont interprétés lors des cérémonies d’offrande.

Le rara, dont la rythmique est fortement inspirée du folklore haïtien, symbolise la musique jouée par des bandes à pieds durant le carême, notamment dans le milieu rural. Ses principaux instruments sont les trompes en bambou ou en plastique, les cornets en Etain et les percussions. Le chanteur de rara porte le nom de Samba.

Le twoubadou est également une musique rurale. Son instrumentation dépend d’une guitare ou d’un banjo, d’un tambour, des tchatchas, d’une basse en forme de boite appelée manouba et parfois d’un accordéon. D’ordinaire, les titres de twoubadou évoquent la dureté de la vie, la beauté des femmes, et parlent également des relations sociales.

Les musiques populaires

Les genres populaires typiquement haïtiens ont sans nul doute varié d’une époque à une autre. A partir de la deuxième moitié du 20e siècle jusqu’à date, nous distinguons : le compas-direct, la musique racine et la musique rabòday.

Le compas-direct a été créé en 1953 par le guitariste et saxophoniste Nemours Jean Baptiste. Il s’agissait à l’époque d’un genre musical innovant et révolutionnaire en raison de sa rythmique différente de la tendance à la mode. Les années d’après, il s’est popularisé au point d’intégrer aujourd’hui le panthéon des musiques nationales. Au début de son explosion, la contrebasse, le tambour, l’accordéon, les trompettes et saxophones assuraient la mélodie. Cependant au fil des ans, d’autres instruments y ont été introduits tels que la guitare, le piano, la congas et la batterie.

De 1960 à nos jours, une variété de groupes à tendance compas ont surgi. Dans un premier temps , les mini-djaz tels que : Los Incognitos de Pétion-ville (devenu Tabou Combo), les Difficiles de Pétion-ville (scindé un peu plus tard en D.P Express et Gypsies de Pétion-ville), les Frères Déjean, Bossa Combo, les Légendaires de Delmas, Scorpio et les Shleu Shleu (devenu également Skah-Shah) ont été des plus populaires. Dans un second temps : l’orchestre Tropicana d’Haïti, les groupes Caribbean Sextet, Zeklè, Zin, Zenglen, Mizik Mizik, Sweet Micky, et tant d’autres de la nouvelle génération ont réussi à imposer leur son sur la scène nationale et internationale. Certains groupes ont joué un compas ( pour ainsi dire moins direct) que d’autres. Par exemple, les musiciens de Zeklè y avaient ajouté du funk, du jazz , et aussi des synthétiseurs. Au final, divers styles se sont découlé du compas direct dont le compas mamba de Coupé Cloué, digital compas de Robert Martino, compas love de Alan Cavé, compas reggae de black parents, etc.

La musique racine symbolise le mouvement artistique lancé dans les années 80 par une série de groupes et de personnes s’intéressant à la spiritualité Vodou. Différents rythmes, chants et mélodies du folklore haïtien et du rara ont fortement influencé sa composition. Les groupes Sanba yo, Foula, Boukman Eksperyans, Ram, Kanpèch, Chandèl, Rèv la, Boukan Ginen ont emerveillé la population haïtienne de leurs chansons révoltantes, notamment pendant les carnavals et les manifestations politiques. Dans les années 90, l’artiste solo Jhon Steeve Brunache s’en était également inspiré pour produire son premier album « Chimen Limyè », dont les titres linyon, la relèv, madanm, avaient connu un succès éclatant. De nos jours, la musique racine subsiste au travers de nouvelle tendance comme le Rara-Tech. Les DJ Gardy Girault, Manito Nation, Kolo et le chanteur Kabysh en sont les principaux pionniers.

Le Rabòday est à l’origine un rythme vodou au même titre que le Ibo et le kongo. Souvent utilisé par l’artiste Freshla dans ses chansons, il est devenu un genre musical populaire sur tout le territoire. Le DJ Tony Mix a grandement contribué à sa vulgarisation en y ajoutant sa touche originale. A l’heure actuelle, le rabòday est chanté et dansé autant dans le milieu urbain que dans le milieu rural.

Le répertoire de la musique haïtienne est riche et diversifié. Outre les genres musicaux que nous venons de présenter, les musiciens haïtiens ont également expérimenté d’autres catégories de musique. Certains ont joué du boléro, du jazz, de la musique classique contemporaine et du reggae. En guise de conclusion, nous vous invitons à redécouvrir quelques classiques.

Choucoune – Occide Jeanty
Yoyo – Raoul Guillaume
Rele m – Orchestre Saieh
Viva ayiti – Mario de Volcy
Qu’est- ce que la vie – Les frères Déjean
Ala kote gen fanm – Jazz des jeunes
Kafou – RAM
Amélie – Zeklè
Lakay – Tabou Combo
Lè n’ap fè lanmou – Mizik Mizik
M pap nan pale franse – Vwadèzil

Références bibliographiques
Claude, Dauphin. « La méringue entre l’oralité et l’écriture : histoire d’un genre musical haïtien ». Erudit, No.1, 1980

Gage, Averill. « Konpa ! La musique populaire en Haïti».www.lameca.org/publications-numeriques/dossiers-et-articles/konpa-la-musique￾populaire-en-haiti/4-les-origines-du-konpa-et-de-la-kadans/

Joseph, Ronald Dautruche. « Le rara de Léogane : entre fête traditionnelle liée au vodou et un patrimoine ouvert au tourisme ». Erudit, Vol 33, No.2, 2011

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