L’économiste, professeur, conférencier et auteur Etzer Emile a exposé ce mercredi 10 décembre, lors de son intervention dans le podcast « De tout et de rien », certains problèmes qui entravent le bon fonctionnement du pays, parmi lesquels la corruption. Selon lui, cette pratique remonte à l’époque qui suit la proclamation de l’indépendance d’Haïti.
« Quand j’analyse le problème d’Haïti, je constate par analogie qu’il ressemble à une route qui a deux issues. Avant cette bifurcation, qui succède au chemin principal que j’illustre en tant que le problème de création de richesse, les deux autres branches qu’il a formées se veulent : premièrement un manque de création de richesse, et deuxièmement le peu de richesse est mal distribué », observe l’économiste.
Etzer Emile précise que tous les maux du pays découlent de cette équation. D’après lui, des défis socio-politiques entravent le développement national, notamment la colonisation du peuple, qui a un impact considérable sur le fonctionnement de la société. « Bien qu’il ne résume pas les problèmes actuels du pays, cependant on ne peut nier l’impact que peut avoir la colonisation sur la population même après 200 ans », explique le professeur.

Selon l’auteur, l’instabilité socio-politique qui sévit aujourd’hui est étroitement liée aux habitudes héritées de la période coloniale. Il ajoute que les tensions politiques jouent un rôle crucial dans le dysfonctionnement du pays. « Lorsque vous regardez les différentes crises politiques du pays, vous comprendrez pourquoi Haïti se trouve dans une telle position. Avant l’occupation américaine, entre 1910 et 1915, il y a eu des présidents qui n’ont resté que trois mois au pouvoir », avance-t-il.
La corruption : un cancer pour l’économie nationale
Etzer Emile souligne que les initiateurs de ces crises ont pour but commun de s’accaparer le pouvoir, renforçant ainsi la corruption. Selon lui, dès le lendemain de l’indépendance, le pays a été confronté à ce type de situation. « Plusieurs auteurs indiquent que depuis la présidence de Jean-Jacques Dessalines, il y avait des groupes de personnes qui profitaient de leur statut pour alimenter la corruption en prenant ce qui ne leur appartenait pas, telles que les employés de l’État, les commerçants et les militaires », affirme-t-il.

L’économiste précise que plusieurs chefs d’État haïtiens ont été impliqués dans la corruption, notamment Faustin Soulouque. « Saveur Pierre Etienne écrit un livre dans lequel il indique que Faustin 1er avait l’habitude d’acheter des produits à l’étranger pour les revendre quatre fois plus cher à son armée. La corruption est omniprésente dans l’histoire d’Haïti », ajoute-t-il. Toutefois, il reconnaît que le président ne pouvait pas être au courant de tout ce qui se passait dans le pays durant son mandat.

Il explique que si le pays était mieux structuré, avec un renforcement des lois régissant la société, les Haïtiens pourraient trouver une solution durable face à ce fléau. Cependant, il note que l’ingérence internationale n’est pas neutre dans les troubles sociaux du pays. « La dette de l’indépendance que la France a imposée à Haïti a eu des répercussions sur la société pendant plus d’un siècle. Et ceci a empêché le pays de se développer », raconte-t-il. Selon lui, d’autres facteurs doivent être pris en compte pour résoudre les problèmes nationaux, notamment une véritable planification pour le développement du territoire.

En conclusion, l’économiste rappelle que plusieurs auteurs ont montré que les grandes puissances mondiales ne souhaitaient pas voir Haïti stable et développé. En étant la première colonie à obtenir son indépendance, le pays devait être empêché de donner l’exemple aux autres colonies. « C’est pour cette raison qu’elles ont imposé un embargo international à Haïti, l’empêchant de commercer avec d’autres pays. Et à l’époque, c’était la principale source de revenus des grandes puissances », conclut Etzer Emile.
Par Youbens Cupidon © Chokarella



