Nègès Mawon a marqué cette fin d’année en célébrant une décennie d’existence à travers plusieurs activités organisées tout au long du mois de novembre. Ces rendez-vous ont permis de revenir sur les actions menées depuis 2015 et de rappeler la nécessité de poursuivre le travail dans un contexte où les droits des femmes demeurent fragilisés.
Deux temps forts ont structuré les célébrations : un cocktail anniversaire le 16 novembre et une journée portes ouvertes le 22 novembre au siège de l’organisation à Delmas 75. Dans cet espace transformé pour l’occasion, des femmes et des jeunes filles se sont rassemblées pour échanger, participer à des animations pédagogiques et découvrir des expositions consacrées à des figures féminines marquantes de l’histoire d’Haïti.
Au cours de ces dix années, Nègès Mawon s’est mobilisée auprès des femmes victimes de violences, a documenté des cas d’abus et a mené des activités de formation destinées aux plus jeunes pour renforcer leurs connaissances juridiques. Cette décennie de travail s’inscrit dans un contexte marqué par des déplacements forcés, une insécurité persistante et des tensions politiques qui touchent particulièrement les femmes.
Le public venu à la journée portes ouvertes a participé à un jeu question-réponse portant sur plusieurs avancées légales : le droit de vote accordé aux femmes en 1950, l’égalité consacrée dans la Constitution de 1987 ou encore la ratification de la Convention de Belém do Pará en 1997. Ces moments ont servi d’appui pour revenir sur l’action de mouvements qui ont précédé Nègès Mawon, tels que SOFA et Kay Fanm, et sur la création du Ministère à la Condition Féminine en 1994.
Les participantes ont également rendu hommage à Sanité Bélair, Catherine Flon ou encore Marie-Claire Heureuse Dessalines, dont les parcours sont régulièrement cités dans les mobilisations liées aux droits des femmes.
Une soirée anniversaire tournée vers la transmission et la planification future
C’est dans les jardins de l’hôtel Karibe que la soirée du 16 novembre s’est tenue, en présence de partenaires, de bénévoles, de membres et d’invités. Ce rassemblement a été l’occasion de revisiter les principales actions menées depuis 2015 et de présenter le plan stratégique qui doit orienter les interventions des prochaines années.
La cérémonie s’est ouverte sur une performance de la violoniste Leila Saïd. Depuis l’étranger, Pascale Solages est ensuite intervenue par visioconférence pour évoquer les fondements du mouvement. Elle a décrit « dix ans de marrainage, dix ans de la Maison Claire Heureuse qui accompagne les femmes victimes de violences », rappelant l’importance de l’art dans la mobilisation des nouvelles générations. Elle a également souligné : « Nègès Mawon n’appartient plus à ses fondatrices, membres ou bénévoles, mais à tout le pays ».
Solages a évoqué son propre parcours, marqué selon elle par des violences subies durant l’enfance et plus tard dans un cadre médical, expliquant que l’absence d’espace adapté l’a poussée à en créer un destiné aux autres femmes.
Le représentant du BINUH, Valerio Bosco, a pris la parole pour rappeler l’importance de la participation politique des femmes. « Il est temps que les femmes haïtiennes prennent pleinement leur place dans la vie politique du pays », a-t-il avancé, estimant que leur présence dans les instances de décision contribue à rendre les politiques « plus inclusives ».
Plusieurs partenaires et institutions ont été honorés par la remise de plaques, dont Danielle Magloire, la FOKAL, Chokarella, Ticket Magazine et AyiboPost. Une distinction posthume a été attribuée à Marie Antoinette Duclair. Mergil Chistla, survivante accompagnée par l’organisation, a également témoigné : « Grâce à votre soutien, j’ai pu reprendre goût à la vie ».
La soirée s’est prolongée par un moment de rencontres informelles, accompagné d’une seconde intervention musicale de Leila Saïd. Ce dernier acte a rappelé la place centrale de la culture dans les actions de sensibilisation menées par Nègès Mawon.
© Chokarella
