Sœurette Bruno dévoile “Mouye”, une chanson qui dépeint l’excitation sexuelle des femmes

La chanteuse haïtienne Sœurette Bruno a mis en ligne, le vendredi 14 novembre, son nouveau morceau intitulé « Mouye ». Durant 3 minutes 38 secondes, accompagné d’un visuel assumé, elle aborde frontalement l’excitation sexuelle féminine, un sujet qui demeure sensible pour une partie du public.

La sortie de ce titre intervient dans un contexte où certains artistes haïtiens commencent à démocratiser des thématiques longtemps considérées comme difficiles à évoquer publiquement. Mais, selon la chanteuse, cette liberté s’applique encore différemment selon le genre. “Dans l’antiquité, les femmes n’avaient pas le droit de s’exprimer, de prendre la parole. Je crois que même aujourd’hui, nous sommes perçues comme des esclaves, justement parce que nous sommes femmes”, observe-t-elle.

Pour elle, la représentation du plaisir féminin est largement insuffisante dans la culture musicale haïtienne. Il s’agit, selon ses mots, d’un problème ancien. “Il demeurait ainsi depuis toujours, ce n’est pas seulement dans la culture musicale actuelle mais aussi dans notre vie quotidienne. Je crois que c’est un moyen qu’on utilise pour nous faire taire parce qu’on est Femme”, estime-t-elle.

Sœurette Bruno rappelle que les femmes ont le droit d’exprimer ce qu’elles ressentent, tout en soulignant la nécessité d’un cadre. “Nous avons droit au plaisir, mais il y a une manière de le faire, nous devrions être respectueuses et polies !” dit-elle. Aborder elle-même un tel sujet fait sens, affirme-t-elle : “J’ai des envies, des besoins. Nous les femmes, nous sommes nées pour être aimées”, déclare l’artiste originaire de Léogâne, pour qui l’intimité répond aussi à un besoin physiologique.

À travers Mouye, elle cherche également à questionner les stéréotypes persistants qui entourent les thèmes jugés tabous dans la musique haïtienne, notamment du côté des artistes féminines. “Quelque chose qui est tabou n’est pas forcément mauvais. La preuve en est bien grande : faire l’amour est crucial, mais pour nous les femmes c’est quasiment interdit d’aborder ce sujet et ceci même avec nos conjoints. C’est absurde”, souligne l’interprète de Kle Lavi.

Elle dit vouloir contribuer à lever ces contraintes. “Je suis sûre que c’est ma raison d’être dans ce domaine. Avec ma voix, je crois que je peux vraiment apporter des changements positifs”, affirme-t-elle, tout en expliquant sa volonté d’éviter toute exagération. Elle résume le choix du titre : “« Mouye », c’était le mot le plus simple et le plus discret que j’ai pu trouver pour centrer le sujet de cette histoire. Je ne voulais pas être trop vulgaire. Dans la chanson ce que je stipule ce n’est pas de l’orgasme mais de préférence « Cyprine ». Ce n’est que du désir il n’y a pas d’action physique ; l’orgasme est plus intense”, raconte-elle.

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Pour la chanteuse, la musique peut contribuer à repenser certaines normes, y compris celles qui touchent à la communication intime. “Elle a le pouvoir de frapper là où tout le monde a échoué. C’est comme un pasteur qui prêche pour un Dieu qu’on n’a jamais vu et en qui tout le monde croit”, explique-t-elle. Dans cette logique, elle considère que chaque création porte un sens. “Dans une chanson, rien n’est innocent ! Chaque mot, chaque phrase révèle une vérité, soit sur la personne qui l’a écrite, soit sur quelqu’un d’autre”.

Avec Mouye, Sœurette Bruno souhaite également affirmer la présence des artistes féminines dans un espace musical souvent façonné par le regard masculin. “Pensez-vous qu’un homme pourrait exprimer l’excitation sexuelle d’une femme à sa place avec ces mots ? Je ne crois pas. Il y a des choses que seulement les femmes peuvent comprendre ; c’est un secret, réjouit-elle. La musique haïtienne a besoin des hommes ainsi que des femmes”.

Si elle a été impatiente de rendre publique cette chanson, elle redoutait pourtant les réactions. “Honnêtement, je pensais qu’on allait m’incriminer mais c’est le contraire qui surgit ! Les femmes adorent la chanson ; on m’appelle même « Mouye »”, confie-t-elle. Ces retours lui donnent le sentiment d’avancer vers son objectif. “J’ai fait le premier pas, j’attends maintenant le résultat. Je suis sûre que le message est passé. Je crois que ça va sauver beaucoup de couples qui sont dans le besoin”, estime-t-elle.

Dans cette perspective, elle insiste sur l’importance de la communication dans les relations. “Les hommes ne sont pas des divinateurs, d’où l’importance de la communication. Parfois les hommes veulent écouter aussi, même s’il y en a qui ne veulent pas ! Il reste à savoir quel genre de personne que tu as dans ta vie”, indique-t-elle.

Elle souhaite que son morceau éclaire les auditeurs sur la compréhension de la vie affective et du désir. “Ce n’est pas mauvais d’avoir des envies. Ce n’est pas mauvais non plus de les exprimer”, dit-elle. Elle rappelle que le visuel qui accompagne le titre présente, selon elle, des exemples de manières d’exprimer un ressenti sans excès. “Comme je le dis souvent, on n’a pas besoin de hausser la voix pour qu’on puisse nous entendre et on n’a pas besoin d’être nues pour être attirantes. On a le pouvoir d’être « sexy » même avec des vêtements ! On n’a pas besoin qu’on nous touche pour faire exciter le grand public ! Nous avons le don pour ça”, affirme-t-elle.

Pour atteindre cet équilibre dans la vidéo, Sœurette Bruno évoque un processus exigeant. À ses yeux, le clip renforce le message de la chanson. “Pour avoir cet équilibre, il m’a fallu du courage et être moi-même sans exagérer. Être artiste exige beaucoup de confiance en soi et d’avoir la capacité d’adaptation. Car c’est aussi être acteur, on incarne continuellement de nouveaux personnages”, explique-t-elle.

La chanteuse adresse enfin un message à celles et ceux qui suivent son travail, notamment ceux qui cherchent à améliorer leur harmonie de couple. “D’une part, il faut avoir une atmosphère agréable pour arriver à inciter une femme à parler surtout sur un sujet aussi tabou pour eux. D’autre part, je veux dire à toutes les femmes que nous pouvons être élégantes aussi. Nous n’avons pas besoin de prendre la parole pour faire passer un message. Nous avons plus de pouvoir en nous qu’on le pense. Il faut arrêter d’être vieilles en esprit ! Il n’y a pas de mal à faire sortir ce que nous ressentons”, dit-elle.

Elle confie enfin qu’elle travaille déjà sur de nouveaux projets. “Je travaille encore et encore pour mon public. Je prépare mon EP ; j’attends juste le bon moment”, conclut-elle.

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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