Wesli dévoile “Makaya”, un album hommage à la bataille de Vertières

À l’occasion de la commémoration de la bataille de Vertières, le mardi 18 novembre, le chanteur, guitariste et auteur-compositeur haïtien Wesley Louissaint, connu sous son nom de scène Wesli, a dévoilé son septième album, intitulé Makaya. Disponible sur toutes les plateformes de streaming légales, ce projet s’inscrit dans une démarche de mémoire visant à traduire la résilience du peuple haïtien et à transmettre son histoire.

Selon l’interprète de Lolé Lolé, ce projet, inspiré du massif montagneux Makaya situé dans le Sud d’Haïti, revêt une dimension intime pour lui. « Makaya signifie pour moi un retour aux sources et à notre identité. N’oublions pas d’où nous venons », explique-t-il. Il précise que « la résistance, la spiritualité, la force, la résilience et la liberté se reflètent dans l’esprit de Makaya qui traverse cet album ». Par ailleurs, il formule un appel clair à ses concitoyens : « Je demande au peuple haïtien de se lever et de reprendre sa liberté ».

Composé de 24 titres, Makaya rend hommage à la bataille décisive du 18 novembre 1803, au cours de laquelle les combattants haïtiens ont vaincu l’armée napoléonienne, ouvrant la voie à la proclamation de l’indépendance du pays le 1er janvier 1804. À travers ses textes, Wesli dit incarner l’esprit de Makaya, mêlant symbolisme, mémoire et engagement. « C’est notre histoire de liberté, et une manière de témoigner notre reconnaissance à nos ancêtres qui nous ont légué notre spiritualité, notre force et notre résistance. Makaya est aussi une inspiration issue d’une feuille médicinale de notre spiritualité animiste ancestrale », précise-t-il.

Selon Wesli, le Vodou puise une partie de son inspiration chez les Marrons tels que Padre Jean et Makandal, qui s’étaient réfugiés dans ce massif montagneux pour organiser la résistance menant à l’indépendance. « Cette inspiration m’a poussé à créer 24 chansons dignes de la grandeur de notre Makaya », ajoute-t-il. Lauréat du prix Babel Med Music de Marseille, Wesli revendique par ailleurs son appartenance à la diaspora africaine. Sa musique, dit-il, est le symbole d’un héritage vivant de la Terre-Mère. « Elle dépeint les traditions ancestrales transmises par les Igbo, Congos, Aladas, Nagos, Yorubas et Dahoméens, en faisant vibrer des chants en Yoruba, Minan, Fon et Ewe », raconte-t-il.

Il rappelle que ces héritages immatériels ont été préservés au fil des siècles par les Lakous du Vodou haïtien : « Lakou Kongo, Lakou Dahomé, Lakou Soukri et d’autres sanctuaires demeurent les gardiens de la spiritualité, de la musique et de l’identité du peuple haïtien », affirme-t-il. Wesli mêle également culture et modernité dans un style qu’il définit comme « World racine », combinaison de sonorités caribéennes et africaines : troubadour, hip-hop, funk, Afrobeat et reggae. « À l’ère des médias sociaux et de l’IA, oui, il faut se moderniser. Je fais toujours des excursions dans la modernité tout en gardant mon authenticité », précise-t-il.

Installé à Montréal depuis 2001, il affirme que ses racines et son parcours migratoire nourrissent profondément sa musique. « J’ai été formé et éduqué en Haïti ; j’ai baigné dans la musique folklorique, troubadour et Rasin. Le Congo, Nago, Yanvalou, Ibo, Dahomé font partie de mon ADN musical. C’est naturel pour moi d’avoir des éléments “Racine” dans ma musique », confie-t-il. Pour transmettre son message de solidarité et d’unité, il conserve un style vocal propre à la musique liturgique haïtienne. Selon lui, garder cette originalité permet de reconnecter la diaspora antillaise à ses racines, même sur des productions électroniques.

« Dans toute révolution économique, socioculturelle et politique, la musique et le secteur culturel jouent un rôle primordial, comme dans la révolution chinoise ou celle de Cuba. C’est aux artistes de prendre leur place et de jouer leur rôle », soutient Wesli. Il espère que chaque membre de la diaspora haïtienne qui écoutera l’album « pensera à l’Afrique, à ses racines, à la beauté et à la richesse culturelle d’Haïti ». Il confie également être impatient de revenir au pays : « Être en Haïti, c’est ce qui me manque le plus dans ma carrière. BIC l’a bien dit dans “Rèv mwen” : on attend tous ce moment où l’on retourne enfin chez soi », dit-il.

À travers cette œuvre mêlant mémoire historique et engagement social, Wesli affirme concilier création artistique et devoir de transmission. « Une histoire comme la nôtre est facile à transmettre par la musique. D’autres artistes l’ont fait avant moi : Bob Marley, Alpha Blondy, Fela Kuti, King Sunny Adé, Tiken Jah Fakoly », souligne-t-il. Cet album de 24 titres explore une diversité de thèmes et met en avant plusieurs instruments traditionnels haïtiens et africains : le konè, le bamboo, le banjo, le manoumba du troubadour, le kata, le segon, le boula, le manman tambou, le wemblé, le pléplé, le ralé et l’asòtò.

« J’ai collaboré avec BIC, pour moi l’un des meilleurs paroliers haïtiens ; Tamara Suffren, une voix exceptionnelle ; Meryem Saci, chanteuse et rappeuse algérienne polyvalente ; ILam, un Sénégalais dont j’ai produit l’album ; et Afrotronix, une figure incontournable de la musique africaine internationale », ajoute-t-il. Wesli affirme avoir investi énormément d’énergie dans la production de cet album, précisant qu’il n’y a pas de différence d’effort entre un projet de 16 ou de 24 titres : « La seule différence, c’est l’inspiration qui doit couler, et la maîtrise technique. La musique haïtienne doit atteindre ce niveau », dit-il avant de féliciter Watson G pour son album Life Goes On composé de 21 chansons.

À la suite de la sortie de Makaya, l’artiste prépare déjà son nouveau spectacle, dont plusieurs dates sont annoncées : 20 décembre, Théâtre Renaissance, Rabat (Maroc) ; 21 décembre, Casablanca, Village de la Coupe d’Afrique des Nations ; 23 et 24 avril, Festival International de Louisiane (USA) ; 25 avril, LIF Scène Indigène, Lafayette (USA) ; 26 avril, Blue Moon, Lafayette (USA).

Enfin, Wesli, pour qui Haïti reste omniprésent dans toutes les dimensions de sa vie, confie ressentir une profonde inquiétude face à la situation actuelle du pays : « Nous, membres de la diaspora, sommes très préoccupés par la conjoncture du pays, et nous prenons nos responsabilités pour soutenir nos proches », dit celui qui se dit heureux d’être utile à sa communauté « en faisant ce qu’il aime ».

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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