À l’approche de la fête des Guédés en Haïti, le rappeur haïtien Ritchy Thermidor, connu sous le nom de Dadjozé, a dévoilé le mercredi 22 octobre 2025 un court-métrage intitulé « Naissance du Bawon Dadjozé ». Conçu à l’aide de l’intelligence artificielle, le projet explore la rencontre entre l’artiste et “Bawon Samdi”, divinité du panthéon vaudou haïtien, gardien du cimetière et passeur entre les mondes visibles et invisibles. Le film mêle cinéma, spiritualité et culture urbaine, posant ainsi les bases du Vodourap.
Dans cette œuvre, Dadjozé relate sa rencontre avec “Bawon Samdi”, entre rêve et réalité. Le court-métrage propose une traversée symbolique des morts, où chaque incantation devient prière. Pour l’artiste, le Vodourap se présente comme un canal de transmission spirituelle.
C’est durant la période des Guédés que l’artiste décide d’officialiser ce mouvement. Selon lui, le court-métrage devait établir les fondations de sa démarche artistique et spirituelle : « J’ai ressenti l’impérieuse nécessité de concevoir une œuvre explicite et profondément symbolique capable de retracer cette démarche », confie-t-il.
Conscient des débats suscités par l’association du rap et du vaudou, Dadjozé précise sa position : « Bien que d’autres artistes aient fusionné ces deux univers avant moi, je veux revendiquer d’être le premier à l’avoir nommé, structuré et avoir lancé un appel à l’union des rappeurs haïtiens autour de la promotion du vaudou à travers le rap ». Le court-métrage devient ainsi un outil de transmission et de pédagogie, visant à redéfinir la place du sacré dans la culture urbaine haïtienne.
Pour Dadjozé, Bawon Samdi occupe le centre du récit : « Bawon Samdi est un Legba d’une importance capitale. Il incarne l’entité souveraine, le seuil entre les vivants et les morts ». L’équipe a travaillé l’interprétation visuelle et spirituelle en puisant dans l’imaginaire, les rêves et l’école du cinéma moderne. L’artiste explique s’être inspiré des visions oniriques et des témoignages de pratiquants vodouisants pour réaliser la mise en scène et les symboles du film, conférant à l’œuvre une dimension initiatique.
Selon Dadjozé, le Vodou-Rap est une forme d’expression sacrée où chaque mot possède une portée énergétique : « L’art est une expression sacrée, ce que l’on répète engendre une fréquence, et cette fréquence peut programmer profondément. Son objectif est d’éveiller les consciences, la jeunesse, ses racines, et transformer le rap en espace de résonance spirituelle ». Au cœur du court-métrage, l’artiste entreprend un voyage entre réalité et rêve, traversant le royaume des morts : « Ce voyage symbolise une réalité intemporelle, le rôle du rêve dans la spiritualité où l’onirisme est un canal sacré de connexion avec les forces invisibles. “Tu refuses tout, je te donne tout”, cette phrase prononcée par Baron Samedi constitue l’un des moments clés du film. Elle symbolise la transmission spirituelle et la soumission de l’artiste à une force supérieure ».
Pour concrétiser sa vision, Dadjozé s’est entouré des fondatrices de NoemovieX, Basile Nandy, Daphna Heurlie et Wildjena Danielle Clerzier, qui l’ont accompagné dans l’élaboration du scénario. Il a également eu recours à l’intelligence artificielle pour matérialiser le projet. À travers Naissance du Baron Dadjozé, le rappeur souhaite redonner voix au vaudou dans un langage contemporain : « Notre culture doit embrasser la modernité sans altérer son essence sacrée. C’est un moyen de sensibiliser les artistes à la valeur inestimable de notre patrimoine et de le propulser mondialement ».
L’artiste invite le public à embrasser son histoire : « Il n’est point de peuple sans histoire, ni d’histoire sans culture. N’ayez jamais honte de porter la vôtre. Elle est votre plus grand héritage ». Ce court-métrage n’est que le premier chapitre d’un univers plus vaste baptisé VodouRap Expérience : « Derrière cette œuvre s’ouvre tout un panthéon d’énergie, de lwa, de symboles et d’états de conscience que je souhaite explorer à travers la musique, le cinéma, la performance et le numérique », conclut-il.
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella



