L’organisation Konbit San Pou San (KSPS) a tenu, le samedi 11 octobre, sa troisième grande collecte de sang annuelle dans les locaux de l’espace de coworking Banj, à Port-au-Prince. Cette initiative visait à appuyer la Banque nationale de sang (BNS) dans son objectif de collecter 120 poches de sang, afin d’atténuer la pénurie critique à laquelle elle fait face depuis plusieurs mois.
La BNS traverse en effet une période difficile. En raison de l’insécurité et de la rareté des donneurs, les réserves de sang diminuent, alors que les besoins augmentent. Ce déficit est lié à la méfiance persistante d’une partie de la population à l’égard du don de sang. « Le liquide sanguin est l’un des éléments du corps humain qui ne peut être remplacé par des produits artificiels. Cependant, la majorité des gens restent méfiants à l’idée de donner leur sang pour sauver la vie d’autrui », explique Gladimy Jean, responsable de communication de KSPS. Selon lui, « beaucoup d’Haïtiens ont une mauvaise perception de cette pratique. Il n’y a pas encore une véritable culture du don, alors que nous savons tous que c’est une personne ayant du sang qui peut le partager avec une autre dans le besoin ».

Gladimy Jean estime que cette réticence résulte en partie d’un manque d’éducation. « Il y a des pays où les gens savent qu’ils doivent donner du sang régulièrement, car c’est un geste d’amour et de solidarité », poursuit-il. Un constat partagé par le Dr Ernst Noel, responsable du centre de transfusion sanguine, pour qui « les personnes moins informées sur le sujet et sur la santé en général ont plus de difficulté à comprendre qu’elles peuvent donner du sang sans que cela n’ait d’effet secondaire ».
Le Dr Noel indique que sa structure s’est donnée pour mission de sensibiliser la jeune génération. « Nous essayons d’intervenir dans les écoles, les universités et les centres professionnels pour expliquer l’importance du don de sang dès l’âge de 17 ans jusqu’à 65 ans », précise-t-il.
Depuis sa création en 2020, Konbit San Pou San observe des signes encourageants. « Cela fait quelques années que je remarque un renversement de tendance : les gens participent davantage aux collectes de sang. Ils commencent à comprendre son importance », confie Gladimy Jean.

Parmi les volontaires, Lovelie Adolphe, membre de KSPS, raconte son engagement personnel : « Neuf ans plus tôt, j’étais malade et j’avais besoin de sang en urgence. Il a été très difficile d’en trouver. Puis, mon oncle, atteint de cancer, s’est retrouvé dans la même situation. Ces expériences m’ont poussée à soutenir cette initiative et à sensibiliser les gens à cette culture du don », explique-t-elle.
Pour Tania Laydie Anténor, participante à cette collecte, donner son sang relève d’un acte citoyen. « En tant qu’être humain, il est normal de participer à une telle initiative pour sauver des vies, car chaque goutte de sang peut en donner une », estime-t-elle. La jeune femme, assistante administrative à Banj, décrit sa première expérience comme positive : « C’était rapide, bien organisé, et j’ai apprécié l’assistance reçue. Cela montre qu’avec de la volonté et de la détermination, on peut accomplir beaucoup, et d’autres suivront votre exemple », confie-t-elle.

En parallèle, Konbit San Pou San a diffusé un Facebook Live pour rassembler les 120 donneurs et célébrer la solidarité et l’espérance. L’organisation prévoit également d’offrir une carte spéciale aux participants réguliers — après trois dons en un an — leur garantissant un accès prioritaire en cas de besoin de sang.
Enfin, selon le Dr Ernst Noel, la BNS prévoit de recenser toutes les personnes de rhésus négatif afin de les inviter à donner leur sang tous les six mois, ces groupes étant les plus difficiles à trouver. La structure envisage aussi d’ouvrir de nouveaux postes de transfusion, notamment dans les provinces et à La Gonâve, afin d’élargir son réseau et répondre plus efficacement aux urgences médicales.
Par Youbens Cupidon © Chokarella