La BRH mise sur la digitalisation et l’équité de genre pour renforcer l’inclusion financière en Haïti

Pendant deux jours, les 3 et 4 octobre 2025, la Banque de la République d’Haïti (BRH) a réuni à l’hôtel Karibe Convention Center des représentants du secteur public, du privé, du monde universitaire et de la coopération internationale autour d’une réflexion sur la digitalisation des paiements et l’équité de genre. Ce forum, organisé en partenariat avec le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère à la Condition féminine et aux Droits de la femme, la Banque mondiale et ONU-Femmes, portait le thème : « Digitalisation des paiements et équité de genre ».

Tout au long de ces deux journées, conférences, panels, expositions et espaces d’échanges se sont succédé pour aborder les questions liées à la modernisation du système de paiement, à l’inclusion financière et à la participation économique des femmes. L’objectif affiché : encourager la digitalisation des transactions, renforcer l’égalité entre femmes et hommes et promouvoir l’entrepreneuriat comme moteur de croissance économique.

Dès l’ouverture, le gouverneur de la BRH, Ronald Gabriel, a présenté trois projets considérés comme structurants pour le secteur financier. Le premier, réalisé en collaboration avec la Banque mondiale, consiste en un diagnostic de l’écosystème Fintech en Haïti afin de mieux encadrer les prestataires de services financiers numériques. Le second porte sur la digitalisation des paiements dans le secteur informel, qui représente environ 35 % du PIB national, selon l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI). Ce projet prévoit une phase pilote dans trois villes : Pétion-Ville, Les Cayes et le Cap-Haïtien. Le troisième, intitulé Booster PME III, vise à renforcer les capacités des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et à améliorer leur accès au financement.

Le gouverneur a souligné l’importance d’une meilleure coordination entre les institutions publiques et privées. « Beaucoup d’institutions travaillent de manière dispersée, ce qui empêche une bonne cohésion dans ce secteur », a-t-il observé. Selon lui, cette rencontre s’inscrit dans une volonté d’aligner Haïti sur les transformations numériques en cours dans le monde.

Au fil des interventions, plusieurs défis ont été évoqués. Le représentant de l’Alliance pour l’inclusion financière (AFI), Alfred Hanning, a mis l’accent sur le rôle des petites et moyennes entreprises et des communautés vulnérables dans la transition numérique. « Au-delà des accès, les services financiers permettent de gérer les finances et d’acquérir une indépendance économique », a-t-il déclaré, tout en insistant sur la nécessité de ne laisser personne à l’écart. Il a rappelé que seulement 33 % de la population haïtienne détient un compte bancaire, contre 79 % des adultes dans le monde, soulignant les limites d’un système encore marqué par la faible littératie numérique et des infrastructures insuffisantes. « S’il y a une offre, il faut des acteurs capables de fournir des services financiers mobiles, mais il faut aussi travailler sur la demande, notamment à travers la protection des consommateurs et l’éducation financière », a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Fils Métellus, présent à l’événement, a évoqué les déséquilibres économiques et les obstacles structurels à la digitalisation. Il a rappelé que la classe moyenne haïtienne est passée de 7 % de la population en 2010 à environ 2 % aujourd’hui. Selon lui, le recours massif aux transactions en espèces – plus de 90 % des échanges – constitue un frein à la modernisation du système de paiement. Il a plaidé pour une approche collective et concertée afin que la digitalisation s’inscrive dans le quotidien de tous les citoyens.

La Banque mondiale, représentée en ligne par Anne-Lucie Lefebvre, cheffe des opérations, a réitéré son appui à cette dynamique. Elle a rappelé que l’institution travaille depuis plusieurs années sur des études liées au développement des Fintech en Haïti et à la structuration du secteur financier. Selon elle, ces travaux visent à bâtir un écosystème durable et capable d’accompagner la transition numérique du pays.

Au-delà des discours, le forum a aussi pris la forme d’un espace interactif. Un « village technologique » a permis à plusieurs institutions financières et entreprises locales de présenter leurs produits numériques. Dans la cour du Karibe, une exposition artisanale offrait parallèlement un aperçu du savoir-faire haïtien.

Ronald Gabriel a profité de cette tribune pour évoquer la formation et la recherche comme piliers de la transformation numérique. Il a annoncé la création d’un Fonds pour l’intelligence artificielle destiné à encourager l’innovation dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, l’agriculture, le tourisme et la finance. Dans la même logique, la BRH poursuit son partenariat avec les universités à travers le programme TIC-Haïti-BRH, afin de former des professionnels dans les domaines de la cybersécurité, de l’analyse de données et de l’intelligence artificielle.

Pour le gouverneur, ces initiatives doivent également contribuer à renforcer la participation des femmes et des jeunes à la vie économique. « Ces deux journées permettront d’informer, de motiver les acteurs locaux et d’orienter les politiques publiques sur la base d’analyses rigoureuses de données genrées », a-t-il expliqué.

En clôturant le forum, Ronald Gabriel a réaffirmé l’engagement de la BRH à promouvoir la croissance économique et l’inclusion financière. « La BRH croit dans les vertus du partenariat et dans la capacité collective de bâtir une économie haïtienne plus moderne, plus juste et plus résiliente », a-t-il conclu.

Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella

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