Cette semaine, l’écrivain haïtien Ar Guens Jean Mary, résidant à Jacmel, s’est vu décerner le prix du meilleur texte francophone d’écriture théâtrale lors de l’édition 2025 de “Etc Caraïbe”. Son œuvre, “Sueur Anonyme“, a été distinguée par l’agence Etc Caraïbe, qui soutient et promeut les auteurs francophones, notamment dans le domaine de l’écriture théâtrale contemporaine. L’annonce a été faite le lundi 15 septembre via un communiqué de presse.
Le texte d’Ar Guens Jean Mary a été sélectionné par le jury lors d’une réunion en visioconférence le 12 septembre dernier. Selon le communiqué officiel, “Sueur Anonyme” se distingue par sa « langue poétique fine touchant l’âme par la dramaturgie » et constitue « une variation dramatique autour de la révolution haïtienne ». La pièce met en scène la figure historique de Marie Sainte Dédée Bazile, connue sous le nom de « Défilée la folle », décrite comme « incarnation de la voix de tout un peuple ». Le communiqué précise également que l’œuvre convoque « une dramaturgie du carnavalesque et une ironie corrosive ».
Ar Guens Jean Mary, licencié en sciences de l’éducation et opérateur culturel, explique que sa participation au concours a été rendue possible grâce au Collectif des auteurs.trices dramatiques haïtien.nes, qui lui a apporté soutien et accompagnement. « Quand j’avais à travailler sur Sueur Anonyme, j’avais ressenti le besoin d’avoir un autre espace pour respirer et rencontrer d’autres personnes qui ne faisaient pas partie de mon cercle. C’est ainsi, avant d’acheminer le texte à Etc Caraïbe, je l’ai confié à Wood Jerry Gabriel pour relecture et critique », confie-t-il à la rédaction de Chokarella. Il s’agit de sa deuxième participation au concours, sa première remontant à 2023.
L’auteur précise que sa pièce met en lumière la figure de Dédée Bazile. « Mon texte, Sueur Anonyme, est une pièce de théâtre qui met en lumière la figure Marie Sainte Dédée Bazile, plus connue sous le nom de “Défilée la folle”, qu’on retient dans l’histoire. C’est une femme qui devient plus tard un symbole dans la révolution haïtienne, mais qui reste souvent dans l’ombre de la mémoire collective haïtienne. » Il ajoute que la pièce s’inscrit dans une dynamique de mobilisation de l’histoire pour inciter les spectateurs à la réflexion et à interroger l’héritage légué par la révolution.
Selon Ar Guens Jean Mary, le choix de Dédée Bazile répond à une volonté de rétablir sa place dans les discours populaires et dans les recherches. « Très rarement le nom de “Dédé” revient dans les discussions, car on parle d’elle comme la femme qui a eu une dernière parole lors de la mort de l’empereur Dessalines. Et c’est un prétexte pour continuer à parler de crimes odieux qui continuent de marquer les esprits jusqu’à aujourd’hui », explique l’auteur.
Le dramaturge a reçu la nouvelle de sa distinction avec émotion et reconnaissance. « À la vérité, j’ai toujours du mal à digérer ces genres de nouvelles. Je suis hyper content, parce que mon texte suit son chemin, repousse mes limites, traverse des personnes que je ne connais même pas, et ces gens trouvent un petit fragment de leur vie dans ce texte. Pour un écrivain, il n’y a pas de plus grand cadeau lorsque notre parole arrive vers un lectorat plus large que d’habitude. »
Lauréat du programme Cap Innovation de l’OIF, Ar Guens Jean Mary ajoute ainsi un nouveau prix à son parcours. Le concours d’écriture théâtrale francophone de Etc Caraïbe, qui en est à sa 12ᵉ édition, se tient tous les deux ans et est ouvert aux résidents ou originaires de la Caraïbe âgés de plus de 18 ans, avec un texte écrit en français. Le prix comprend une résidence d’un mois à la Maison des auteurs-rices à Limoges, une dotation de 2 000 euros et une lecture dans le cadre du festival Les Zebrunes de Printemps.
Par Frantz Junior Petit-Frère © Chokarella



