Les Caribbean Music Awards ont dévoilé, ce vendredi 12 septembre, les lauréats de leur troisième édition. Dans la catégorie « Konpa Artist Band of the Year », le prix a été attribué à la chanteuse haïtienne Rutshelle Guillaume. L’annonce a été faite sur la page officielle de l’événement.
Cet événement, qui sera retransmis en direct sur la chaîne BET à partir de 20h (heure de l’Est) ce vendredi, comprendra la diffusion du tapis rouge organisé le 28 août 2025 au Kings Theatre de Brooklyn, à New York, ainsi que la remise des trophées qui s’est tenue ce jour-là. Les gagnants avaient toutefois déjà été annoncés dans la matinée sur les réseaux sociaux des Caribbean Music Awards, avant la diffusion télévisée sur BET, permettant au public de connaître les lauréats, dont Rutshelle Guillaume, avant la retransmission complète de la cérémonie.
Organisés chaque année à New York, les Caribbean Music Awards récompensent des artistes, producteurs et créateurs issus de la Caraïbe dans plus de quarante catégories couvrant des genres tels que le reggae, le soca, le zouk, le calypso ou encore le konpa. La catégorie « Konpa Artist of the Year » a rassemblé plusieurs figures majeures de la scène haïtienne et caribéenne, dont Joé Dwèt Filé, Kai, Klass, Nu Look, Oswald, T-Vice, Vayb, ainsi que Rutshelle Guillaume.
Au terme d’une phase de vote public, c’est la chanteuse haïtienne qui a été distinguée, confirmant son influence et sa place de premier plan dans le paysage musical. Cette récompense s’ajoute à d’autres distinctions déjà obtenues, notamment le titre de « Best Caribbean Artist » lors des Trace Awards & Festival 2023, à Kigali, au Rwanda.
Le tapis rouge du 28 août a rassemblé de nombreux artistes et personnalités, parmi lesquels plusieurs figures haïtiennes telles qu’Anie Alerte, Jessie Woo, Séphora Drouillard et Wanda Tima, fondatrice et PDG de L’Union Media Group. Des artistes et humoristes haïtiens, dont Tonton Bicha et Shabba du groupe Ekip, étaient également présents, tout comme Chelley Bissainthe, en représentation pour Billboard. Rutshelle Guillaume, lauréate de cette édition, n’avait toutefois pas pris part à la soirée.
Les invités ont également côtoyé des stars internationales, parmi lesquelles Shenseea, Busta Rhymes, DJ Khaled, Buju Banton, Elephant Man, Bounty Killer, Spice ou encore Allison Hinds.
Cette troisième édition marque un tournant : pour la première fois depuis leur création en 2023, les Caribbean Music Awards sont retransmis à la télévision câblée américaine grâce à un partenariat conclu entre le Caribbean Elite Group, organisateur de l’événement, et le BET Media Group, acteur majeur de la scène médiatique afro-américaine. La cérémonie complète est ainsi diffusée ce vendredi 12 septembre, en parallèle des festivités de la Labor Day Parade à Brooklyn. BET avait déjà donné un avant-goût de l’événement en retransmettant en direct les arrivées sur le tapis rouge du 28 août via ses plateformes numériques et celles des Caribbean Music Awards.
Cependant, la présence haïtienne à cette célébration reste un sujet de débat. « Ils ne considèrent pas Haïti comme l’un des pays de la Caraïbe », déclarait Carel Pedre, le 3 septembre dernier, dans son podcast De Tout et de Rien. Selon lui, les artistes haïtiens, bien que régulièrement nominés, ne bénéficient pas de la même visibilité que leurs homologues d’autres pays de la région.
Les propos du journaliste mettent en lumière des tensions persistantes autour de la reconnaissance des artistes haïtiens au sein de cette cérémonie. Si le sacre de Rutshelle Guillaume constitue une étape importante pour la scène musicale haïtienne, il ne fait pas disparaître les critiques émises quant au manque d’équité dans le traitement réservé à leurs œuvres.
Carel Pedre affirme avoir constaté ces différences dès la première édition : « Non seulement les chanteurs haïtiens n’ont pas été annoncés lors de leur arrivée sur le tapis rouge pour que les journalistes puissent les interviewer, mais leurs photos n’étaient pas non plus affichées sur leurs sièges, contrairement aux autres artistes présents », observe-t-il.
Selon plusieurs observateurs, aucune amélioration notable n’a été constatée lors des éditions suivantes. « Ces gens n’ont pas l’intention de mettre le konpa à l’honneur vraiment », ajoute le journaliste, rappelant qu’au cours de cette troisième édition, Haïti n’a été évoquée que de manière marginale.
Wanda Tima, fondatrice de la plateforme médiatique Lunion Street, confirme ce constat : « La seule fois que j’ai entendu parler d’Haïti, c’est quand le DJ a demandé s’il y avait des gens qui parlaient créole dans la salle, en lançant le morceau Zouk La Sé Sèl Médikaman Nou Ni du groupe Kassav ».
Ces critiques ravivent les interrogations sur la place de la musique haïtienne dans l’espace caribéen. Les artistes haïtiens doivent-ils continuer à participer à une cérémonie où leur contribution n’est pas pleinement valorisée ? Pourquoi un tel traitement persiste-t-il ? Et quelles actions pourraient être mises en œuvre pour garantir une reconnaissance équitable de la musique haïtienne dans les prochaines éditions ?
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella