Le roman “Passagères de nuit“, de la romancière haïtienne Yanick JP Lahens, figure parmi les quinze ouvrages retenus pour la première sélection du Prix Jean Giono 2025. Il s’agit de sa première sélection à ce prix, après avoir déjà été présélectionnée pour le Goncourt 2025 avec ce même roman.
« Nous avons le grand plaisir de découvrir Passagères de nuit, également sélectionné pour le prix Goncourt, dans la première liste du prix Jean Giono : un grand merci au jury ! », écrit son éditrice, Sabine Wespieser, sur les réseaux sociaux.
Doté de 10 000 euros et parrainé par la Fondation Jan Michalski, le Prix Jean Giono récompense chaque année un ouvrage écrit en français plaçant l’imagination au cœur du récit. Il distingue le « meilleur raconteur d’histoire ».
Le jury 2025, présidé par Paule Constant de l’Académie Goncourt, comprend notamment Metin Arditi, Tahar Ben Jelloun, David Foenkinos, Franz-Olivier Giesbert, Sylvie Giono, Robert Kopp, Emmanuelle Lambert, Vera Michalski, Étienne de Montety et Marianne Payot.
Parmi les autres romans de la première sélection figurent : Cantique du chaos de Mathieu Belezi, Les Ombres du monde de Michel Bussi, Aimer de Sarah Chiche, Je voulais vivre d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Surchauffe de Nathan Devers, Un pont sur la Seine de Pauline Dreyfus, Comme en amour d’Alice Ferney, Peau d’ourse de Grégory Le Floch, Nous n’avons rien à envier au reste du monde de Nicolas Gaudemet, La Maison vide de Laurent Mauvignier, La Forêt de flammes et d’ombres d’Akira Mizubayashi, Notre part féroce de Sophie Pointurier, Tout ouïe d’Alexandre Postel et Haute-Folie d’Antoine Wauters.
La deuxième sélection sera annoncée le 8 octobre. En 2024, le prix avait été attribué à Olivier Norek pour Les Guerriers de l’hiver (Michel Lafon).
Résumé de Passagères de nuit
Dans ce nouveau roman, comme arraché au chaos de son quotidien à Port-au-Prince, Yanick Lahens rend un hommage d’espoir et de résistance à la lignée des femmes dont elle est issue. La première d’entre elles, Élizabeth Dubreuil, naît vers 1820 à La Nouvelle-Orléans. Sa grand-mère, arrivée d’Haïti au début du siècle dans le sillage du maître de la plantation qui avait fini par l’affranchir, n’a plus jamais voulu dépendre d’un homme. Inspirée par ce puissant exemple, la jeune Élisabeth se rebelle à son tour contre le désir prédateur d’un ami de son père. Elle doit fuir la ville, devenant à son tour une « passagère de nuit » sur un bateau à destination de Port-au-Prince. Ce qui adviendra d’elle, nous l’apprendrons quand son existence croisera celle de Régina, autre grande figure de ce roman des origines.
Née pauvre parmi les pauvres dans un hameau du sud de l’île d’Haïti, Régina elle aussi a forcé le destin : rien ne la déterminait à devenir la maîtresse d’un des généraux arrivé en libérateur à Port-au-Prince en 1867. C’est à « mon général, mon amant, mon homme » qu’elle adresse le monologue amoureux dans lequel elle évoque sa trajectoire d’émancipation : la cruauté mesquine des maîtres qu’elle a fuis trouve son contrepoint dans les mains tendues par ces femmes qui lui ont appris à opposer aux coups du sort une ténacité silencieuse.
Cette ténacité silencieuse, Élizabeth et Régina l’ont reçue en partage de leurs lointaines ascendantes, ces « passagères de nuit » des bateaux négriers, dont Yanick Lahens évoque ici l’effroyable réalité, de même qu’elle nous plonge – et ce n’est pas la moindre qualité de ce très grand livre – dans les convulsions de l’histoire haïtienne.
Lorsque les deux héroïnes se rencontreront, dans une scène d’une rare qualité d’émotion, nous, lectrices et lecteurs, comprendrons que l’histoire ne s’écrit pas seulement avec les vainqueurs, mais dans la beauté des gestes, des regards et des mystères tus, qui à bas bruit montrent le chemin d’une résistance forçant l’admiration.
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella