« Cette industrie ne peut pas rembourser les artistes » : Kanis sur les défis du secteur musical haïtien

La chanteuse haïtienne Kanis a pris position sur les conditions de production musicale dans le pays lors de son passage, mercredi 10 septembre, au podcast De Tout et De Rien. Elle estime que de nombreux artistes se retrouvent dans une spirale d’investissements excessifs pour impressionner leur public.

« Quand les supporteurs arrivent à comprendre l’industrie musicale haïtienne, ils finiront par comprendre les artistes eux-mêmes », a-t-elle déclaré, en dénonçant la pression qui pousse certains à dépasser leurs moyens financiers.

Après plusieurs analyses de son parcours dans le secteur, l’interprète de Vèvè Lokal reconnaît qu’elle ne peut pas investir certaines sommes dans sa carrière, même si elle gère près de sept entreprises. Selon elle, sa carrière artistique constitue une société à part entière, mais son budget reste limité. « Kanis est une artiste, Niska est l’humain. Et cette dernière travaille assez dure pour avoir sept compagnies […]. Lorsqu’une entreprise coûte 20 000 dollars pour une vidéo, 3 000 dollars pour un mixage ou encore 5 000 pour un enregistrement que pour la production, par conséquent cette industrie ne peut pas me rembourser cet argent dans dix soirées », explique-t-elle.

Kanis observe que d’autres artistes parviennent à financer de tels montants, mais selon elle, cela suppose toujours un appui extérieur. « Ils ne peuvent pas y arriver tout seul, car ce serait un déficit ou du moins ils se sont livrés à la prostitution, trouvé le support de leur manager, d’un label ou il y a quelqu’un qui les utilise pour le blanchiment de l’argent », avance-t-elle.

Pour sa part, elle dit fonctionner avec des moyens réduits. « Je jure parce que j’utilise ce que j’ai, tenant compte de ma dernière vidéo, Ti Dezòd, toutes les scènes sont filmées dans mon studio, et elle ne me coûte que 2 000 dollars », raconte-t-elle. Avant d’ajouter : « Même Michaël Brun qui a les plus gros labels avec lui ne le ferait pas, vous êtes qui pour le faire ? »

La chanteuse compare ensuite la situation en Haïti à celle des artistes internationaux. Selon elle, la différence tient au rôle des labels. « Lorsqu’on regarde Drake ou Kendrick Lamar, ce sont leur label qui couvre les frais. […] Quand un artiste est signé chez un label, ce dernier lui donne une avance pour qu’il mette dans sa poche, puis le label va toucher son argent sur les ventes de ses musiques », détaille-t-elle.

Elle explique que ce système implique une dette permanente : « Et si l’artiste a l’idée de faire une vidéo, son label paiera les frais, ensuite il remboursera toutes ses dettes avec l’argent récolté par la vente de son album. Et il doit le faire jusqu’au dernier centime en vendant ses morceaux. »

En guise d’exemple, Kanis évoque une amie artiste qui, selon elle, a accumulé une dette de 400 à 500 000 dollars auprès de son label après deux années passées en studio sans produire de vidéos spectaculaires. « Le pire, vos chansons seront sans publicité car vous n’avez pas de l’argent, vous n’aurez pas de chiffres. Moi je suis vraiment chanceuse d’être une artiste indépendante avec Haïti qui me supporte […]. Si un artiste signe chez un label pour avoir de l’argent, il fait le mauvais choix », conclut-elle.

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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