Le producteur haïtien Lord-Salomon Belizaire, connu sous le nom de Lord Salomon, publie un premier album exclusivement instrumental intitulé « Jouk Li Jou », sorti le 24 août 2025. L’opus réunit seize titres, de « Danse sou l »i à « Kale dada w », et explore une approche peu fréquente du konpa : l’instrumental pur.
Avec ce projet, l’artiste dit vouloir proposer une manière différente d’écouter le genre musical haïtien, sans paroles mais avec une intensité qu’il considère propre au konpa. « Avec Jouk Li Jou, j’ai voulu relever un défi artistique : faire parler le konpa… sans paroles », explique-t-il. Pour lui, cette démarche n’est pas une simple expérimentation, mais une volonté d’aller au-delà des mots afin de toucher directement la mémoire et les émotions.
L’album se présente comme une expérience où chaque auditeur peut se projeter. « Je libère l’espace d’interprétation. « Jouk Li Jou », c’est une musique sans frontières, mais riche en émotions universelles », souligne Lord Salomon. Et d’ajouter : « Jouk Li Jou quand le konpa s’écoute avec le cœur, sans dire un mot. J’ai voulu créer une œuvre instrumentale qui dépasse les mots, qui parle directement aux émotions, à la mémoire, à l’imaginaire. Une manière de réinventer un genre tout en restant fidèle à ses racines. »
Les seize morceaux de l’album couvrent une diversité d’ambiances. Danse sou li ouvre avec légèreté, Kole sere et Jouk li jou mettent en avant la complicité, tandis que Pa lage’m et Yon ti ploge se tournent vers l’introspection. D’autres titres comme Toudous, Dwèt lanmou et Zafèm explorent différentes nuances émotionnelles. Enfin, Le Konpa, Lage kò’w et Sere’m rappellent la dimension festive du genre, alors que Istwa Nou, Mea Culpa, Aswè a, Manyen’m et Kale dada’w viennent compléter ce parcours sonore.
Ce nouvel album s’inscrit dans la continuité de la démarche de Lord Salomon. Après Lumina, conçu pour la méditation et le bien-être, il choisit cette fois de mettre en avant un konpa libéré des textes. Ses productions précédentes, comme Konsyans sur les violences faites aux femmes, Baton Vyeyès sur la responsabilité paternelle ou encore Kenbe’m, hommage à la résilience, avaient chacune un message explicite. Avec Jouk Li Jou, il opte pour une posture différente en laissant place à l’interprétation.
Originaire du sud d’Haïti, Lord Salomon a découvert le piano à l’âge de sept ans. Il s’oriente très tôt vers la composition instrumentale, qu’il pratique longtemps de façon discrète. En 2015, encouragé par MikeSteven Mead, il fonde un groupe, ce qu’il considère comme un tournant majeur dans son parcours. Peu après, il collabore avec Junior Mesidor sur le titre Okay Chérie, un remix inspiré de Jean Richard Hérard. Cette étape renforce sa volonté de conjuguer enracinement culturel et ouverture à d’autres influences.
Installé à Montréal, il est aujourd’hui cofondateur du Level Band, formation avec laquelle il entend donner vie à Jouk Li Jou sur scène. « Intégrer ces morceaux instrumentaux dans des performances live, c’est leur donner une nouvelle vie, une nouvelle énergie, au contact du public », dit-il à Chokarella.
Lord Salomon se tourne également vers le cinéma, où il estime que la musique instrumentale trouve toute sa place. « La musique instrumentale est une alliée puissante de l’image. Elle peut porter un récit, amplifier une émotion, révéler une intention », explique-t-il.
Pour lui, cet album représente une autre manière d’aborder le konpa. « Ce n’est pas un album conçu pour être simplement écouté. C’est une œuvre qui se vit, qui se ressent, qui s’infuse. Mon souhait est que chaque auditeur y découvre une vibration, un fragment de lui-même », conclut-il.
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella
