Le photojournaliste haïtien Clarens Siffroy participe à la 18ᵉ édition de l’exposition World Press Photo, accueillie au Marché Bonsecours de Montréal du 27 août au 13 octobre 2025. Lauréat du concours 2025 dans la catégorie « Histoires d’Amérique du Nord et centrale », il y présente sa série « Crisis in Haiti », qui documente les violences des gangs à Port-au-Prince et la vie quotidienne des habitants confrontés à une insécurité persistante.
L’exposition s’inscrit dans le cadre du World Press Photo, qui organise chaque année une tournée mondiale pour présenter les travaux primés aux publics de différents continents. Montréal figure parmi les étapes majeures de cette tournée internationale. « C’est l’équipe du festival local, en partenariat avec la Fondation World Press Photo, qui a orchestré cette présentation », précise Clarens Siffroy. Sa série y est exposée dans l’ordre qu’il a lui-même choisi, un agencement pensé pour restituer la tension des scènes tout en mettant en évidence la résilience des communautés photographiées.
Pour le photoreporter, son déplacement vers Montréal a une dimension concrète et symbolique. « Je suis arrivé après plusieurs semaines de préparation, tant logistique qu’émotionnelle. J’ai pris un vol depuis Port-au-Prince, avec une escale à Turk and Caicos, puis direction le Québec. Ce voyage est plus qu’un simple déplacement : c’est un passage d’un contexte difficile à un espace de visibilité internationale », explique-t-il.
La série offre un regard sur la violence des gangs, avec des images montrant des raids, des habitations incendiées, des corps et des familles déplacées. Siffroy explique que sa sélection repose sur le fil narratif et la vérité humaine de chaque image : « Il y a un va-et-vient entre l’intime et le collectif, entre la douleur et la dignité. Chaque photo a été choisie non seulement pour sa force visuelle, mais aussi pour la réalité qu’elle traduit. » Les photographies présentent une Haïti complexe, au-delà des représentations médiatiques simplifiées, et mettent en évidence la survie, la solidarité et les stratégies d’adaptation des habitants face à la violence.
L’exposition à Montréal constitue une reconnaissance de ce travail sur la scène internationale, tout en soulignant l’importance des perspectives locales dans le récit de la situation haïtienne. « Oui, profondément. Être photo reporter en Haïti, c’est travailler dans des conditions souvent difficiles, avec peu de ressources mais une immense motivation. Cette exposition est une reconnaissance de ce parcours, mais aussi un rappel que le regard haïtien sur Haïti est indispensable. Nous devons raconter nos propres histoires, avec notre sensibilité, notre dignité, nos blessures et nos espoirs », dit-il.
Pour Clarens Siffroy, cette reconnaissance internationale s’accompagne de sentiments contrastés : « C’est un mélange de fierté, de gratitude et de responsabilité. Fierté, parce que c’est un honneur de pouvoir représenter Haïti sur une scène internationale. Gratitude, envers toutes les personnes photographiées, sans qui ce travail n’aurait pas de sens. Et responsabilité, parce que je sais que mes images peuvent influencer des regards, éveiller des consciences », affirme-t-il.
En évoquant la suite, le photoreporter exprime le désir de poursuivre son travail tout en l’élargissant à d’autres territoires : « Je souhaite continuer à documenter la réalité haïtienne, mais aussi élargir mon champ d’action à d’autres territoires des Caraïbes. J’aimerais explorer des thématiques liées aux migrations, à l’identité afro-descendante, et aux questions de justice sociale. » Enfin, il confie préparer déjà de nouveaux projets, à la fois artistiques et éditoriaux : « Plusieurs projets sont en cours. Une nouvelle série est en développement, autour de la mémoire collective et des lieux de résistance en Haïti. Je prépare également un livre photo, qui réunira mes travaux des deux dernières années », confie-t-il à Chokarella.
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella