Healing Haiti’s Children : le documentaire d’Al Jazeera sur les défis de la famille Ulysse à Cité Soleil

Le média international Al Jazeera a publié, le dimanche 21 août, son documentaire « Guérir les enfants d’Haïti (Healing Haiti’s Children) », sur son site officiel et ses plateformes de streaming. Tourné au centre hospitalier de Fontaine à Cité Soleil, ce court-métrage, réalisé par la journaliste Rosie Collyer, retrace l’engagement de Jose et Kareen Ulysse, père et fille, pour maintenir leur hôpital familial ouvert dans une commune marquée par l’insécurité.

Le tournage, lancé en novembre 2024, lors de la fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture, vise à documenter les difficultés quotidiennes du personnel de l’unique centre hospitalier en activité dans la commune, en particulier celles de Kareen Ulysse, fondatrice de la fondation Centre Hospitalier de Fontaine. Dans ce contexte, Kareen peine à se procurer les fournitures essentielles à la survie des nourrissons, alors que la violence des gangs s’intensifie dans le pays.

« La crise sécuritaire se présente comme un gros problème, cela fait un an que nous mettons sur pieds notre Unité de Soins Intensif Néonatal. Depuis, nous sommes capables de sauver la vie de plusieurs bébés, nous avons juste besoin de l’oxygène », souligne Gheriane Kareen Ulysse dans le documentaire.

Pour les nouveau-nés, la prise en charge doit être rapide, faute de quoi la survie n’est pas garantie. Selon l’un des médecins, l’accès aux fournitures médicales, et en particulier à l’oxygène, conditionne directement la survie des enfants. L’approvisionnement reste néanmoins difficile dans une ville où les affrontements entre forces de l’ordre et gangs contrôlant 85 % du territoire de la capitale sont fréquents, selon les organisations de droits humains.

« Il est vraiment difficile d’aller faire le plein des cylindres oxygène, je me souviens de la dernière fois que j’aille remplir deux de nos cylindres c’était sur une pluie de balles », confie un membre du personnel. « Il n’y avait personne dans les rues. J’ai pris un motard pour assurer le transport en mettant l’un des cylindres sur mes jambes », précise-t-il, soulignant le risque en cas de projectile.

La fermeture de l’aéroport international Toussaint Louverture constitue également un obstacle majeur. Les médicaments nécessaires à la prise en charge des patients sont difficiles à obtenir. « Cette fermeture est très dévastatrice pour nous, les dons que nous pouvons bénéficier de la part des ONG ou les individuels rapidement par les cagots d’avion sont bloqués », explique Kareen.

Pour pallier cette situation, Kareen indique avoir bénéficié de l’aide d’une compagnie aérienne assurant le transport entre Port-au-Prince et Cap-Haïtien. Par ailleurs, afin de soigner davantage de patients dans la capitale, Jose et Kareen ont ouvert un autre centre à Laboule 12, dans la commune de Pétion-Ville. « C’est avec beaucoup de fierté et d’espoir d’avoir une enfant comme elle qui, malgré tout ce qu’elle a pu construire à l’étranger vient s’installer en Haïti dans un contexte sécuritaire pareil », explique Jose Ulysse, co-fondateur du Centre Hospitalier de Fontaine en 1991.

Jose estime que si les autorités étatiques prenaient leurs responsabilités, la vie de certains jeunes pourrait être sauvée. « Je les vois comme des victimes du système, jusqu’à présent ils sont tous récupérables. Quand nous nettoyons les canaux, je les oblige à travailler et ils remplissent leurs tâches correctement, ils sont arrivés à l’heure et terminent dans le temps imparti. Je crois si les représentants de l’Etat ont eu la volonté de résoudre ce fléau, ils pouvaient les récupérer et leur donner une autre direction », affirme-t-il.

La crise sécuritaire n’est pas le seul défi pour le centre. L’abandon des bébés par leurs parents constitue également un problème majeur. « Parfois les parents donnent seulement la naissance à un bébé mais ils ne sont pas retournés pour les récupérer, parmi eux, nous avons cinq bébés qui sont arrivés la semaine dernière », précise Kareen.

Lorsque cela se produit, l’administration doit prendre intégralement en charge le nouveau-né. « Si les parents ne viennent pas récupérer leurs bébés, lorsqu’ils ont un mois et un an et demi, les personnes annoncent qu’ils ont besoin d’espace dans le centre, vous devez les prendre et ils vivent chez moi dans ce cas », explique-t-elle.

Pour le documentaire, Rosie Collyer a fait appel à plusieurs spécialistes haïtiens pour la vidéographie avant son arrivée en mai 2025, parmi eux le cadreur Pierre Michel Jean. « Il a fait un travail fantastique en s’intégrant à l’Ulysse pendant une période très turbulente et s’est extraordinairement bien adapté à la direction que j’ai prise », déclare-t-elle dans une interview avec Chokarella.

La réalisatrice explique avoir été motivée par une courte vidéo de cinq minutes publiée par Kareen lors de la relocalisation de son hôpital face à la montée des violences. « La première chose qui m’a motivé de raconter l’histoire de la famille Ulysse dans ce documentaire c’est la réussite de l’évacuation des enfants qui étaient dans l’hôpital en novembre 2023, c’est une histoire vraiment remarquable, nous l’avons perçue également comme une grande chose lorsque nous l’observions à Al Jazeera », raconte-t-elle à notre rédaction

La fermeture de l’aéroport en novembre 2024 reste, selon elle, un moment clé dans la gestion du centre. « Ceci a aussi entravé le processus de réalisation de notre projet, Kareen m’avait dit qu’il était impossible de me rendre à Port-au-Prince en novembre 2024 suite à la suspension des vols provenant des États-Unis vers Haïti. J’ai dû expliquer à Kareen que Pierre Michel Jean doit passer quelques jours dans son hôpital entre novembre et décembre pour pouvoir prendre les images », se souvient Rosie Collyer.

Ce documentaire s’inscrit dans la catégorie Witness du média, un espace développé depuis vingt ans pour observer les efforts des communautés dans des situations difficiles. Rosie Collyer travaille dans cette branche depuis sept ans. « Je suis vraiment heureuse de pouvoir réaliser un documentaire sur un sujet aussi fantastique (…) », conclut-elle.

Regardez le documentaire ci-dessous

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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