Le disc-joker haïtien Steezy Baby, de son vrai nom Stanley Bertrand, s’est associé à son frère musicien Michel Bertrand, dit Chi Zoe Beats, pour créer Aleksi Ayiti, un chanteur haïtien généré par l’intelligence artificielle. Sa première musique a été dévoilée le 21 août dernier sur Spotify. Ce projet illustre la volonté des deux frères d’explorer de nouvelles perspectives pour la musique haïtienne.
Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, les humains utilisent la technologie pour réaliser des projets plus rapidement. Dans le domaine musical, cet outil a trouvé sa place et l’industrie haïtienne n’y échappe pas, comme le montre la création de cet artiste IA.
“Aleksi Ayiti est le premier artiste IA haïtien, créé par 2 frères musiciens. Son histoire commence lorsqu’il arrive aux États-Unis en 2023 pour rejoindre sa première copine, celle qu’il avait connue à l’école. C’est elle qui a fait la demande pour lui, à condition qu’il l’épouse”, raconte Steezy à Chokarella. De cette situation est née la chanson “Mèsi Pou Lanmou w”. Pour venir, Aleksi a dû laisser une autre copine en Haïti, inspirant la chanson “Separasyon”.
Les musiques générées par l’IA sont parfois critiquées par les puristes, mais Steezy en a conscience. “Nous sommes bien conscients que certains acteurs de l’industrie musicale restent réticents face à la production assistée par intelligence artificielle. Mais nous avons une vision qu’ils finiront par comprendre : cette technologie est une avancée majeure pour la musique”, poursuit-il.
DJ Steezy estime que l’IA peut enrichir la création musicale en un temps record. “Créer une musique avec l’aide de l’IA est aujourd’hui bien plus rapide qu’il y a trois ans”, observe-t-il. “Toute ma carrière, j’ai toujours aimé me démarquer en proposant ce qui sort de l’ordinaire. Mon frère m’a toujours accompagné dans cette démarche, partageant la même mentalité”, ajoute-t-il.
Les frères Bertrand, passionnés de technologie et de programmation, travaillent chacun dans leur domaine professionnel : Michel dans le secteur médical, Steezy combinant ses compétences en marketing digital, développement logiciel et web, acquises à l’Université de Central Florida, au service de la musique.
“Nous avons toujours voulu intégrer nos compétences techniques dans nos productions musicales. En 2024, nous avons décidé de nous spécialiser dans l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’audio et le visuel, ce qui nous a amenés à créer des artistes IA”, explique Steezy, actuellement étudiant en design graphique et UX/UI à Google et Adobe.
Ils ont également créé des artistes IA étrangers, comme Ti.Zico.ai, dont le style est caribéen, et qui ont été présentés dans leurs marchés respectifs, précise-t-il.
Pour concevoir Aleksi Ayiti, DJ Steezy explique avoir mis cinq mois pour finaliser le concept. “Nous avons d’abord écrit son histoire, en nous basant sur le personnage choisi. Ensuite, nous l’avons dessiné, défini son apparence physique : couleur, style, type, afin qu’il corresponde parfaitement au personnage imaginé dans le récit.”
Le timbre vocal a été créé en combinant différentes notes musicales. “Une fois la voix prête, le processus de production musicale commence. Nous produisons d’abord l’instrumental, composons les mélodies, écrivons les paroles, créons les flows et les variations vocales. Ensuite, nous l’entraînons à reproduire les mélodies avec la voix créée, à l’aide d’une programmation spécifique”, précise Steezy.
Pour produire les 22 morceaux d’Aleksi Ayiti, les frères ont utilisé des applications populaires comme FL Studio, Logic Pro, Ableton ou GarageBand. “Lorsque tout est prêt, nous générons la voix en train de chanter le texte sur l’instrumental. Enfin, nous procédons au mixage et au mastering du morceau”, ajoute-t-il.
Les chansons d’Aleksi Ayiti s’inspirent de son histoire personnelle, et les frères souhaitent continuer à enrichir sa discographie. “Il est possible d’intégrer l’IA dans toutes ces applications professionnelles. Je pense que ce n’est pas tant le logiciel que vous utilisez qui importe, mais plutôt les connaissances qu’il faut pour exploiter pleinement les capacités de l’application.”
DJ Steezy souligne également l’aspect économique de ses productions. “Nos productions sont originales et peuvent générer des revenus comme toute autre musique. Nous croyons sincèrement que chaque musicien devrait se former à l’intelligence artificielle. C’est une compétence essentielle pour l’avenir de la musique.”
La suite du projet dépendra de la réaction du public. “La suite dépendra de l’appréciation des auditeurs et de leur attachement au concept. Nous avons déjà 7 autres morceaux prêts que nous sommes impatients de vous faire découvrir, dont un qui sortira la semaine prochaine”, conclut-il.
Parcours de DJ Steezy Baby
Stanley Bertrand a grandi dans une famille artistique : son père était peintre et écrivain, son frère Michel pianiste. Il se souvient de sa première expérience sur scène à 5 ans, lors d’un concert de Noël de Lionel Benjamin au Rex Théâtre. “J’ai chanté la musique ‘Tonton Nwèl se Premye Fwa’ et j’ai assisté à une performance extraordinaire du feu Mikaben, qui était la star parmi les enfants. Depuis ce jour, ma passion pour la musique n’a jamais cessé de grandir”, explique-t-il.
Son père lui a offert son premier livre de solfège à 10 ans et son frère lui a appris à jouer du piano. “Il me faisait interpréter des solos de Larose et m’apprenait également à produire des beats”, se souvient-il. À 19 ans, il a intégré le groupe de compas Sensuel en tant que bassiste.
Après avoir quitté le groupe pour poursuivre ses études universitaires, il a observé des amis DJs et perfectionné ses compétences. En 2008, à 26 ans, il décide de devenir DJ professionnel. “J’ai passé plus d’une année à m’entraîner dans ma chambre, jouant pour mes frères, ma sœur, mes amis et ma petite amie, qui est aujourd’hui ma femme. En 2009, j’ai lancé ma carrière professionnelle.”
Il a participé à de nombreuses prestations en Haïti et en 2021, il émigre aux États-Unis pour reprendre ses études. “J’ai gardé ma connexion avec la musique en me formant davantage en production, mixage et mastering. Le 22 août 2025, date symbolique marquant ma dernière nuit en Haïti en 2021, j’ai relancé ma carrière avec mes productions et je n’ai plus l’intention de m’arrêter”, conclut-il.
Par Youbens Cupidon © Chokarella