Samie Haïti sort son premier EP « M Bay San m Pou sa »

La rappeuse haïtienne Samie Haïti dévoile ce samedi 23 août 2025 son tout premier EP, « M Bay San m Pou sa », disponible sur l’ensemble des plateformes de streaming. Le projet, marqué par des textes engagés, aborde des thématiques liées à la réalité sociale des femmes, en particulier celle des Haïtiennes, et s’inscrit dans un contexte d’incertitude.

Dans un entretien accordé à Chokarella, l’artiste explique sa démarche : « Avec cet EP, je veux partager des morceaux qui me ressemblent et toucher les gens avec des histoires sincères. C’est aussi une étape pour faire découvrir ma musique et aller plus loin dans mon projet », confie-t-elle.

Samie revient sur l’état d’esprit qui a accompagné la création de cette œuvre : « C’est un sentiment d’incertitude face à l’avenir qui m’a mis dans cet état d’âme, le poids des attentes (les miennes ou celles des autres). Mais ces doutes ont aussi été une source de motivation et de réflexion intense », explique-t-elle. Ces questionnements lui ont permis, selon ses propos, de confronter ses peurs et de réévaluer ses priorités.

Pour elle, l’objectif premier reste d’« impacter ses auditeurs ». « L’idée, c’est de partager des émotions sincères et peut-être atteindre un public plus large. S’il peut accompagner quelqu’un à un moment de sa vie, ce sera déjà une belle victoire », espère-t-elle.

Après cette sortie, la rappeuse souhaite défendre son projet en live : « Je veux vraiment partager mon univers et ressentir l’énergie directe des gens. On travaille actuellement sur l’organisation de plusieurs dates. C’est une étape importante pour moi, parce que la scène, c’est là où la musique prend toute sa force », affirme-t-elle.

Le 9 août dernier, pour préparer son public, Samie a publié le vidéoclip du morceau “Mèsi Papa“, en collaboration avec Ange Carla Valcimé. Cette chanson, qui figure en deuxième position sur l’EP, est inspirée de son vécu. « Cette chanson est très personnelle, je l’ai écrite parce que mon père m’a abandonnée. À travers ce morceau, je voulais exprimer toutes les émotions complexes liées à cette expérience : la douleur, la colère. Ce n’est pas juste une chanson de rancune, mais plutôt un témoignage honnête qui parle à beaucoup de personnes qui vivent des situations similaires », raconte-t-elle.

La rappeuse dénonce une réalité fréquente en Haïti : des enfants laissés aux soins de leurs mères, souvent exposées à la précarité. « Aucun enfant ne devrait grandir avec cette souffrance. Je veux briser ce cycle et montrer qu’il est possible de faire mieux, de construire un avenir où l’amour et la présence prennent le dessus sur l’abandon », déclare-t-elle.

Le rap comme outil de résistance

De son vrai nom Sterline Ais, née le 5 février 1997 à Roseaux, commune de Jérémie, Samie Haïti s’est lancée dans le rap en 2019. Elle revendique un style marqué par ses expériences. « Ce besoin de partager mon histoire, mes combats, mes joies et mes peines, et de donner une voix à ceux qui, comme moi, ont des choses à dire à travers des textes m’a poussée vers ce médium », dit-elle.

Une démarche qui n’a pas été sans difficultés : « Être femme dans le rap, c’est devoir prouver deux fois plus, face à un milieu très masculin. J’ai rencontré des préjugés et des regards qui minimisent mon talent », poursuit-elle. Mais elle affirme avoir transformé ces obstacles en moteur : « Ça m’a poussée à m’affirmer, à garder ma voix et mon style. Aujourd’hui, je suis là, et je compte bien rester ».

Pour elle, le rap garde sa vocation de contestation : « Le rap a toujours été un outil de contestation, alors pourquoi les femmes devraient rester silencieuses ? », interroge-t-elle. Elle ajoute : « J’ai choisi de transformer la frustration en force, et les injustices en textes. Ce que certains voyaient comme une faiblesse — être une femme dans le rap — je l’ai utilisée comme une arme ».

La rappeuse insiste sur la nécessité d’une plus grande représentation féminine dans ce milieu :
« Il doit y avoir beaucoup plus de femmes dans le rap parce qu’on vit des choses dures, qu’on garde en silence ; des blessures, des colères, des rêves… et il n’y a personne qui peut le faire à notre place. Le rap, c’est notre cri, et tant qu’on n’aura pas plus de voix féminines dans le rap, il manquera une partie de la vérité », affirme-t-elle.

Elle souligne aussi les difficultés d’accès à la reconnaissance :
« C’est triste de constater que malgré tout le talent et la passion que nous avons, beaucoup de portes restent fermées simplement parce qu’on est une femme », observe-t-elle. Elle dit néanmoins avancer avec méthode : « Je construis ma carrière avec beaucoup de détermination, en m’entourant de personnes qui croient en mon talent, en restant fidèle à mon identité artistique, et surtout, en travaillant sans relâche ».

Influences et collaborations

Samie évoque l’influence de la rappeuse française Diam’s, qu’elle admire pour son engagement :
« Elle a marqué toute une génération avec ses textes engagés, sincères et puissants. Ce que j’admire chez elle, c’est sa capacité à exprimer des émotions profondes tout en abordant des sujets de société importants, comme l’identité, la souffrance, l’injustice ou encore la quête de soi ».

Depuis ses débuts, elle a collaboré avec plusieurs artistes haïtiens, notamment Fantom (M paka Konte), Edwing (Sa Fem Mal), Fredelin (Insatiable) ou encore Bgarmel (Pou Kont Mwen). Cette dernière chanson, conçue lors d’une période difficile, compte aujourd’hui près de deux millions de vues sur YouTube. « J’ai composé cette musique dans un instant de profonde tristesse, un moment où je me persuadais de ne pas renoncer », confie-t-elle.

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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