Le 17 août 2025, la cour du Jojo restaurant à Pétion-Ville s’est métamorphosée en un espace artistique animé pour la troisième édition du festival Q4RTS. Sous le thème « Couleurs de l’âme », l’événement a attiré jeunes, familles et amateurs d’art autour d’une multitude de disciplines : peinture, body art, portraits et performances en présentiel.
Le collectif Expo_17.0, organisateur du festival, a été fondé en 2017 pour offrir aux artistes haïtiens un espace expérimental hors des galeries et institutions traditionnelles. « Nous voulions un lieu où l’art peut se déployer librement, sans barrières », explique Gheslaire St Hilaire, coordinateur et artiste numérique. Pour cette édition, plus d’une dizaine d’artistes ont exposé des œuvres mêlant influences contemporaines et symboles culturels haïtiens, donnant à la cour du restaurant un aspect de galerie vivante.
Dès l’ouverture, les visiteurs ont été invités à circuler parmi les œuvres. Une grande toile collective trônait au centre de la cour, où chacun pouvait laisser sa trace. « C’était fascinant de voir des inconnus peindre côte à côte et créer quelque chose ensemble », raconte une jeune participante. Plus loin, des portraits instantanés permettaient de repartir avec un souvenir personnalisé, tandis que le body painting transformait certains visiteurs en œuvres vivantes, parés de motifs colorés inspirés de la tradition haïtienne. « J’ai découvert que mon corps pouvait devenir une toile. C’est une sensation étrange mais enrichissante », confiait un adolescent participant.
Le festival s’adressait à un public très large. Des familles entières ont pris part aux ateliers, mêlant enfants et adultes dans une même dynamique créative. « Mon fils a passé la journée à peindre et à observer les autres. Il est rentré ravi et fier de ce qu’il avait fait », expliquait une mère de famille. La musique jouée en direct, entre percussions et instruments acoustiques, rythmait la journée et créait une atmosphère conviviale.
Port-au-Prince reste une ville où l’insécurité domine, avec une grande partie du territoire sous contrôle de gangs armés. Organiser un événement culturel dans ce contexte représente un véritable défi. « Malgré les difficultés, ces moments permettent de se retrouver, de respirer et de créer quelque chose ensemble », témoigne un visiteur. Le Q4RTS Festival, par sa tenue et son ampleur, s’impose comme un espace de résilience culturelle et sociale.
Au fil de la journée, les frontières entre spectateurs et artistes se sont estompées. Chacun pouvait devenir acteur de l’art, intervenir sur les toiles collectives ou se joindre aux performances. « L’expérience la plus intéressante, c’est de voir les visiteurs prendre part à la création, réagir aux œuvres, interagir entre eux. Cela change complètement la perception de l’art », précise Gheslaire St Hilaire.
Le body painting et les portraits instantanés ont constitué des temps forts du festival. Les participants devenaient à la fois sujet et spectateur, brouillant les lignes entre œuvre et public. « On sent que la créativité circule dans toute la cour, chacun s’inspire des autres », observait une jeune artiste.
En fin de journée, alors que le soleil se couchait sur Pétion-Ville, les couleurs, la musique et les rires continuaient de résonner dans la cour du Jojo Restaurant. Q4RTS a démontré que l’art peut être plus qu’une simple exposition : il devient un langage partagé, un espace de rencontre et de respiration collective, même dans un contexte difficile. La troisième édition confirme la place du festival comme un rendez-vous culturel majeur, où émergence artistique, participation du public et lien social se conjuguent.
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella