Ritchy Thermidor, pionnier du VodouRap en Haïti

Ritchy Thermidor, connu sous le nom de « Dadjoze », originaire de Carrefour, est à la fois rappeur, chanteur, graphiste et créateur de contenu. Il se présente aujourd’hui comme l’initiateur du mouvement VodouRap, une approche musicale qui associe les sonorités urbaines du rap aux traditions spirituelles du Vodou haïtien. Ses productions cherchent à articuler créativité, identité culturelle et dimension spirituelle.

Engagé dans la musique depuis plus d’une dizaine d’années, il a publié en 2017 sa première mixtape, “Budger Da Djoser ” Mixtape, qui posait déjà les bases de son univers. Son parcours a toutefois été marqué par des difficultés. En mars 2021, face à la situation politique en Haïti, il choisit de s’installer en République dominicaine. Deux ans plus tard, en mai 2023, il prend la décision de se consacrer pleinement à la musique et lance son premier single officiel, “Haiti Gang Drill“. Ce titre illustre sa volonté de représenter, à travers son art, une réalité haïtienne contemporaine.

Dans ses premiers morceaux, Dadjoze reconnaît avoir parfois privilégié les attentes du public, au détriment de sa démarche personnelle. « Cela fait longtemps que je fais de la musique, mais je me suis rendu compte qu’à une époque, je créais surtout pour obtenir l’approbation du public… Je suis quelqu’un de très curieux, particulièrement en ce qui concerne la spiritualité, la magie, les phénomènes mystiques et paranormaux », explique-t-il. Cette recherche de cohérence entre expression artistique et quête spirituelle va progressivement structurer son travail.

Le VodouRap comme espace de création

Le 18 novembre 2024, Dadjoze franchit une étape importante avec la sortie du morceau BAWON, présenté comme l’acte fondateur du VodouRap. Ce courant musical intègre les symboles et codes du Vodou dans les structures du rap contemporain. « Dans ma quête d’originalité, j’ai réalisé que l’ancrage culturel est un ingrédient essentiel pour créer des œuvres sincères et puissantes », précise-t-il. Il a poursuivi dans cette direction avec Baron et Granmoun ki Nonm, qui illustrent la continuité de cette fusion entre culture spirituelle et musique urbaine.

Le VodouRap se développe à l’intersection d’une tradition haïtienne ancienne et des codes du hip-hop moderne, combinant symbolisme spirituel, énergie contestataire et lyrisme. Le mouvement entend à la fois rendre hommage à la culture haïtienne et proposer une réflexion sur sa dimension spirituelle. « Les retours sont très positifs, et cela confirme que nous sommes sur la bonne voie pour développer ce style musical de manière authentique », souligne Dadjoze.

Un parcours marqué par les influences et les expériences

Le lien de l’artiste avec le Vodou se traduit directement dans sa musique. Son adolescence a été rythmée par le rap, autant influencé par les courants haïtiens qu’internationaux, mais aussi par les représentations symboliques et spirituelles du Vodou. Des morceaux tels que Haiti an Bourik, Denye Fwa ou Haiti M Fel Poukom abordent des questions sociales et personnelles à travers cette sensibilité particulière.

« La chanson Haiti Gang Drill est particulièrement symbolique pour moi, car c’est à partir de ce morceau que j’ai vraiment décidé de faire carrière dans la musique », confie-t-il. Pour lui, ses compositions ne sont pas seulement des performances techniques mais aussi des moyens de libérer et partager des expériences personnelles.

Projets en cours et perspectives

Actuellement, Dadjoze dit travailler sur plus de dix projets destinés à enrichir le VodouRap et à en préciser les fondements. « Nous sortons principalement des singles pour que le public vive le développement du VodouRap avec nous », explique-t-il. À terme, il souhaite inscrire ce courant comme une expression culturelle durable et accessible, tout en donnant une visibilité contemporaine à la spiritualité haïtienne.

Dans sa vision, la musique reste un moyen d’exprimer une philosophie de vie. « Pour moi, la vie est un rêve, une expérience. C’est pourquoi je m’efforce toujours de faire ce que j’aime, afin de rester en harmonie avec moi-même et garder ma joie de vivre », affirme-t-il. Son engagement dans le VodouRap s’inscrit dans cette démarche, à la croisée de l’art, de la tradition et d’une recherche spirituelle, avec en toile de fond une culture haïtienne en dialogue constant avec la modernité.

Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella

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