“Je vis musique” : Beby Joe, portrait d’un artiste passionné

Né à Pétion-Ville, Fedlyns Fénélus, plus connu sous le nom de Beby Joe, évolue entre ferveur religieuse, engagement musical et adaptation au monde contemporain. Sa voix, façonnée dans les églises haïtiennes, l’a conduit vers une carrière désormais ouverte sur l’international. Dans un entretien accordé à Chokarella, il revient sur ses débuts, son parcours actuel et ses projets.

Très tôt, la musique s’est imposée à lui comme une évidence. « Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours chanté », confie-t-il. À seulement quatre ans, il se tient déjà face à un public, micro en main. Issu d’une famille croyante, il grandit dans un environnement musical dominé par l’Église. À l’âge de 12 ans, il rejoint la chorale de son église, marquant ainsi le véritable point de départ de son aventure vocale. Il prend rapidement des responsabilités, dirigeant successivement trois chorales différentes. « Le souvenir qui m’a le plus marqué, c’est la première fois que je suis monté sur scène en public. C’était à mon église. Après avoir chanté, je suis redescendu du pupitre et, à la fin du culte, tout le monde est venu me dire : “on ne savait pas que tu avais autant de talent”. »

La ferveur du gospel et des hymnes religieux façonne durablement son approche artistique. « J’ai commencé par la musique classique avec les hymnes et louanges. Dès mon plus jeune âge, j’écoutais du black gospel. Ce sont ces styles qui ont façonné l’artiste que je suis aujourd’hui », explique-t-il.

C’est au début de son adolescence que l’idée d’une carrière professionnelle prend forme. « J’ai su que j’allais être chanteur professionnel à l’âge de 12 ans. Mais avant cela, j’étais un bon imitateur. Je savais très bien imiter les chanteurs. Même si je ne me voyais pas encore comme un chanteur, je chantais déjà tout le temps », se remémore-t-il. S’il s’est produit sur des scènes séculières, il insiste sur le fait de ne jamais avoir abandonné ses racines religieuses. « Je veux rectifier quelque chose : je n’ai pas quitté la musique d’église pour faire une plus grande carrière. Je le fais toujours. Actuellement, je suis directeur musical d’une église en Californie. Je suis quelqu’un qui aime faire de la musique. Je ne me catégorise pas dans un seul type de musique, je fais de la world music », précise-t-il.

Des débuts dans le monde séculier

Son single « Bye Bye », aux sonorités Konpa soul, marque ses premiers pas en dehors du cadre religieux. « On peut dire que le public m’a découvert sous un autre angle, en train de chanter du Konpa », explique-t-il. Sur le plan de la formation, l’artiste apprend surtout sur le terrain, tout en bénéficiant de formations courtes. « Grâce à Internet, j’apprends beaucoup. Même si je n’ai pas de certificat, j’ai beaucoup appris sur le terrain », indique-t-il.

En 2019, sa carrière prend un nouveau tournant lorsqu’il participe à environ treize chorales de meringue carnavalesque pour des artistes comme Djakout, T-Vice, Roody Roodboy ou Olivier Martelly. Cette polyvalence attire l’attention sur la scène musicale. En décembre 2020, il intègre le groupe Mass Konpa comme deuxième voix principale aux côtés de Gracia Delva. « Mon intégration s’est faite pendant que je travaillais déjà avec eux. À l’époque, je faisais des chœurs pour plusieurs groupes. Un jour, en live, Gracia m’a demandé d’interpréter une chanson du groupe. Je l’ai fait, et ensuite il m’a proposé de devenir le second chanteur principal », raconte-t-il. Cette collaboration prend fin quelque temps plus tard, en raison de l’insécurité en Haïti et de problèmes de santé. Il quitte alors le pays, passe par la République dominicaine, puis s’installe aux États-Unis.

Une nouvelle vie en Californie

Aujourd’hui installé en Californie, Beby Joe souligne l’impact de ce nouvel environnement sur sa démarche artistique. Il se produit notamment dans la rue, une expérience qu’il juge formatrice. « Je n’ai pas de mots pour l’expliquer. Là où je suis aujourd’hui, j’ai déjà joué avec des musiciens de plus de huit nationalités. Ce sont d’excellents musiciens, et j’ai beaucoup de plaisir à jouer dans la rue. Cela me permet de m’exprimer pleinement et j’apprends beaucoup aussi », affirme-t-il.

Son environnement multiculturel nourrit une expression musicale diversifiée, mêlant kompa, musique racine, RnB, rock’n’roll et jazz. « Ça influence ma carrière de manière très positive. J’ai plus d’expérience et je fais toutes sortes de musiques. Je leur propose ce que j’ai, et j’apprends aussi beaucoup », ajoute-t-il.

Entre projets et convictions

En parallèle de ses prestations dans la rue, il prépare actuellement deux projets musicaux. Sans trop en dire, il affirme vouloir satisfaire aussi bien ses anciens admirateurs que son nouveau public. « Je fais de la musique de tous les styles, mais je suis actuellement plus dans le Kompa. Bientôt, il y aura une tournée et un retour sur scène », annonce-t-il.

L’artiste se projette avec détermination. « Dans cinq ans, ce sera grandiose. Je travaille dur pour cela, et je suis très confiant », affirme-t-il. Pour lui, la musique dépasse la simple profession : « En dehors de la musique, c’est encore la musique. C’est mon passe-temps. Je vis musique. Je suis né pour ça ».

Aux jeunes qui souhaitent suivre sa voie, il délivre un message de persévérance : « Le chemin de la vie ne sera jamais exactement comme tu l’espères. Mais cela ne veut pas dire que tu ne peux pas réussir. Ce que tu dois faire, c’est être constant. Tu dois te battre. Sinon, tu finiras par rester là à regarder quelqu’un d’autre faire ce que toi, tu aurais pu faire ». Il insiste également sur l’importance de l’éducation : « Souvenez-vous toujours que l’éducation est extrêmement importante. Ne laisse personne te dire que tu ne peux pas réussir. Le monde est à ta portée ».

Beby Joe souhaite être reconnu comme un artiste resté fidèle à sa vision et attaché à la culture de son pays : « Que Beby Joe était un artiste qui se battait pour son art, et qui s’est toujours battu pour que la culture de son pays aille loin ».

Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.