Le designer haïtien Dave-Oliver Bijoux a reçu, le 17 juillet 2025, une distinction dans la catégorie du design industriel aux A’Design Awards. Le concours s’est tenu à Côme, en Italie, et le jeune créateur a été récompensé par un trophée Iron pour son projet de chaussure baptisé “AYIBOBO”, un modèle de sneaker qu’il présente comme un manifeste à la fois culturel et technologique.
Âgé de 26 ans, Dave-Oliver Bijoux développe depuis plusieurs années une approche singulière du design à travers sa structure DOB DESIGN. Il revendique un langage visuel inspiré de l’imaginaire haïtien, dont Ayibobo se veut l’illustration. « Le processus de création d’Ayibobo a été un long cheminement entre recherche, inspiration et innovation », expliquait-il lors d’un précédent entretien accordé à Chokarella.
L’annonce de la distinction remonte au 15 avril 2025. Elle a été officialisée lors d’une cérémonie internationale réunissant des designers venus de divers pays. « La remise s’est déroulée dans une atmosphère à la fois solennelle et inspirante, avec la présence de designers venus du monde entier. C’était un moment inoubliable, empreint de reconnaissance et d’émotion », rapporte Dave Oliver Bijoux.
À travers cette reconnaissance, le designer souhaite porter une vision plus large du design haïtien. « C’était un moment de grande fierté, non seulement personnelle, mais aussi collective. J’ai senti que ce n’était pas seulement ma victoire, mais celle de toute une génération de jeunes Haïtiens qui rêvent, qui créent, qui résistent », déclare-t-il. Il considère également cette étape comme « un hommage silencieux à toutes les batailles menées dans l’ombre, avec peu de moyens mais beaucoup de passion ».
Selon lui, ce prix vient confirmer un travail mené dans la durée. « Personnellement, elle valide des années de travail, de doutes et de persévérance. » Du côté de sa structure DOB DESIGN, cette distinction ouvre de nouvelles perspectives. « Une ouverture vers des collaborations internationales, des opportunités d’expansion, et une crédibilité renforcée », indique-t-il. Il y voit aussi une manière de positionner la création haïtienne sur d’autres scènes : « C’est une preuve tangible que nous avons notre place sur la scène mondiale, avec des récits forts et des visions uniques à partager », poursuit-il.
Le designer estime que cette reconnaissance peut contribuer à renouveler la perception de la création contemporaine haïtienne. « Oui, absolument. Elle crée une nouvelle narration autour du design haïtien : plus moderne, plus ambitieuse, enracinée dans notre culture mais tournée vers l’avenir. » Il espère que cette dynamique permettra de « sortir d’une lecture humanitaire ou misérabiliste » pour repositionner Haïti comme « un vivier de talents et d’idées ».
Des retombées commencent déjà à se faire sentir, selon lui. « Des investisseurs internationaux ont manifesté un réel intérêt pour le projet AYIBOBO », affirme-t-il. Des discussions sont en cours avec plusieurs marques, bien que les résultats concrets restent attendus. Cette avancée permet aussi à DOB DESIGN de penser à une stratégie de production à plus grande échelle. « Cela nous permet de mieux structurer la phase de production et de réfléchir à une stratégie de commercialisation élargie, à l’échelle régionale et internationale. »
À travers ce projet, Dave-Oliver Bijoux ambitionne aussi de contribuer à une nouvelle représentation du pays. « Je veux être un passeur d’images, un porte-voix de notre créativité et un ambassadeur du possible. À travers le design, je souhaite montrer un autre visage d’Haïti, celui de l’innovation, de la culture vivante, de la jeunesse qui transforme », confie-t-il à Chokarella.
Le studio DOB DESIGN prépare déjà d’autres projets. De nouvelles lignes d’objets utilitaires sont en cours de conception, toujours inspirées de références culturelles haïtiennes. Des discussions sont également engagées avec des artistes étrangers et des institutions éducatives autour de programmes de co-création. Le projet Ayibobo poursuit quant à lui sa trajectoire à l’international : « J’ai été approché par d’autres concours internationaux et j’ai aussi reçu des invitations à exposer AYIBOBO dans des foires de design », indique-t-il.
Le 5 août 2025, la ministre haïtienne de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique, Niola Lynn D. Octavius, a salué publiquement ce parcours. Lors d’une visite officielle, elle a annoncé l’octroi d’une subvention d’un million de gourdes en soutien au développement du projet.
Un appui que Dave-Oliver considère comme significatif. « J’ai ressenti une profonde gratitude. Ce geste fort de la Ministre montre que l’État peut reconnaître et valoriser les talents émergents. » Il prévoit d’utiliser cette aide pour « renforcer ses capacités techniques » et franchir un nouveau cap en matière de production et de distribution.
Enfin, conscient de la portée de son parcours, il adresse un message à la jeunesse créative d’Haïti : « N’abandonnez jamais vos rêves, même lorsqu’ils paraissent irréalisables. Chaque idée a de la valeur. Chaque échec prépare un futur succès. Créez avec le cœur, restez curieux, entourez-vous bien, et surtout : croyez-en vous. AYIBOBO pou nou tout ! »
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella
