Le rappeur haïtien Schinaider Cellard, plus connu sous son nom de scène Zouschi, a publié, le samedi 12 juillet, le clip de son morceau « Solitude » sur toutes les plateformes numériques. Cette chanson, portée par un texte engagé, invite à une réflexion sur les conditions de vie en Haïti à travers une introspection collective.
« À travers cette œuvre, d’une manière simple, je souhaite dire à mon public qu’il est temps d’apprendre à penser par soi-même, au lieu de rester immobile et de laisser d’autres personnes le faire à leur place », a-t-il déclaré au micro de Chokarella. Le titre se veut également une interpellation à l’endroit des autorités haïtiennes, accusées par le rappeur de laisser d’autres pays ou entités décider de l’avenir du peuple haïtien.
Zouschi, 25 ans, souligne l’importance de continuer à évoquer les problématiques sociales qui, selon lui, freinent le bon fonctionnement de la société. Il estime que chaque Haïtien devrait assumer ses responsabilités afin d’éviter que la passivité collective n’ait des conséquences néfastes sur les générations futures. « Cette chanson s’inscrit dans la continuité de mes morceaux qui décrivent et radiographient nos quotidiens et nos vécus, souligne-t-il. C’est en regardant ce qui se passe autour de moi, en analysant et en réfléchissant sur la réalité de mon pays et celle du monde, à savoir les faits politiques et sociétaux, que j’ai trouvé la nécessité de décrire ce que j’observais. »
Dans le but de toucher un public plus large, le rappeur a souhaité proposer une vidéo qui reflète le contenu de son texte. Elle illustre la réflexion intérieure et la solitude consciente vécue, selon lui, par de nombreux compatriotes face aux réalités actuelles. « J’ai choisi ce titre pour exprimer, à partir de mes observations, à quel point on se retrouve seul face à toutes les difficultés et problèmes que l’on traverse dans le pays », explique-t-il.
Bien que la vidéo soit récente, l’artiste indique que ce morceau figure parmi ses premières créations. Il révèle avoir travaillé pendant plus de quatre ans sur ce projet. « Nous avons dû enregistrer ce morceau entre quatre à cinq fois, et à chaque session, il subissait des modifications (…), et nous avons dû changer d’espace de travail plusieurs fois, car le producteur, Otantik Beat, avait dû quitter son studio initial à cause de l’insécurité », raconte-t-il. Il insiste également sur l’importance du choix linguistique dans cette œuvre. « C’est ma première chanson entièrement en français qui décrit avec autant de profondeur les contextes sociaux et politiques », précise-t-il.
Zouschi évolue dans le paysage musical haïtien en mettant en avant une certaine diversité dans ses productions. Il affirme que son orientation vers le rap dit « conscient » correspond davantage à sa manière de penser. « Le rap conscient me paraît plus naturel, car il correspond mieux à ma vision, à mes réflexions et à ma manière de traduire ce que je ressens et ce que j’observe dans la société », affirme-t-il.
Linguiste de formation, étudiant en sciences politiques et en philosophie, Schinaider Cellard développe aussi une activité littéraire. Il écrit des poèmes, des romans, et considère l’art comme un espace de réflexion et d’expression de l’imaginaire. « À travers mes créations, j’essaie toujours d’exprimer ce que je ressens profondément et de partager avec les autres ma vision du monde (…). La musique est donc, pour moi, un moyen d’inspirer, d’éveiller et de toucher les gens, tout en restant fidèle à qui je suis », explique-t-il.
Avant de devenir un artiste, Zouschi s’est lui-même nourri de multiples influences, locales comme internationales. Des artistes tels qu’Izolan, Youssoupha, Grand Corps Malade ou encore le groupe Rock Fame ont marqué son parcours de mélomane. « Durant mon enfance, lors de mes vacances à Port-au-Prince, j’étais très influencé par les deux groupes mythiques du rap haïtien. Je ne saurais dire pourquoi exactement, mais j’étais particulièrement fan de Barikad Crew. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, bien avant même d’avoir la chance d’enregistrer en studio, je disais toujours : “Tôt ou tard, je ferai un featuring avec Izolan” », se rappelle-t-il.
Né le 23 décembre 2000 à Ennery, une commune du département de l’Artibonite, il découvre l’écriture dès son plus jeune âge. Il commence par des poésies et des textes musicaux. Le contexte de l’époque, marqué par la montée du rap haïtien, influence fortement son développement artistique. « Leurs textes et leurs messages m’ont profondément marqué et ont nourri mon envie d’écrire, de rapper et de composer, jusqu’à faire de la musique une partie intégrante de ma vie artistique », confie-t-il.
Aujourd’hui, Zouschi ambitionne de créer un courant propre à lui, qu’il désigne par le terme « Zouschisme ». Il le décrit comme une approche musicale hybride, mêlant divertissement et réflexion. « Ayant grandi entre le milieu hip-hop et le compas, mon style provient directement de ce que j’entends et de ce que je ressens. Il me permet d’extérioriser ma vision du monde, façonnée par mes réflexions et mes observations de la société », déclare-t-il.
Depuis le début de sa carrière, il a produit deux EP (Siyen Kontra et Salam) ainsi qu’un album, « One Like Me » (OLM), actuellement disponible sur YouTube et bientôt sur les autres plateformes de streaming. Il garde en mémoire les difficultés rencontrées lors de la réalisation de ce projet. « J’ai enregistré ces sons dans des conditions particulièrement difficiles, les studios où j’enregistrais étaient situés dans des zones très dangereuses sur le plan sécuritaire », se remémore-t-il. Malgré les pressions familiales, il poursuit sa trajectoire artistique. « J’étais motivé à poursuivre jusqu’au bout, et nous avons mis environ quatre ans pour produire cet album. C’est un projet qui symbolise pour moi la persévérance, la passion et la résilience », poursuit-il.
Concernant Solitude, bien qu’il s’agisse d’un morceau extrait de l’album OLM, sa version audio n’avait pas encore été mise en ligne au moment de la sortie de l’album. « Nous n’avons pas publié tous les morceaux en même temps sur les plateformes. Mais le projet complet de 15 morceaux sera bientôt disponible sur toutes les plateformes de streaming », précise Zouschi.
Sept mois après la sortie de « One Like Me », l’artiste annonce déjà de nouveaux projets. Il dit travailler sur un nouvel EP et préparer deux adaptations en créole haïtien de chansons internationales. Il prévoit aussi de nouvelles collaborations. « Je pense également à de nouvelles collaborations. Je serais ravi que l’une d’elles se fasse avec Izolan, même si je sais que je dois encore travailler davantage pour atteindre cet objectif. Au-delà de cela, je souhaite aussi collaborer avec d’autres jeunes artistes, afin de leur permettre d’exposer leurs talents au grand public », conclut-il.
Par Youbens Cupidon © Chokarella