Le rappeur haïtien Legga 20, de son vrai nom Rood Thierry Dave Theodore, a publié le 18 juillet 2025 son tout premier EP, “M bon sou ou”. Le projet comprend six morceaux et s’inscrit à la croisée de l’egotrip, d’une quête identitaire et d’une volonté de proposer une autre lecture de la trap music haïtienne. Originaire de Carrefour-Feuilles, l’artiste ambitionne, à travers cet EP, d’affirmer sa démarche artistique tout en bousculant certains codes établis du genre.
« M bon sou ou, le choix du titre est à la fois symbolique et egotrip », explique-t-il. « C’est une façon pour moi de dire qu’après tout ce temps passé dans la musique, enfin, je suis là, prêt, affûté, et vous allez devoir m’écouter différemment », confie-t-il à Chokarella.
Legga 20 présente ce projet comme un tournant. Il y voit l’expression d’un engagement plus clair, d’un son plus ancré : « Ce projet, pour moi, c’est aussi une mission claire, changer la manière dont on perçoit le trap music en Haïti. Trop souvent, on la réduit à un délire de délinquance ou à un style vide de sens. Moi, je veux prouver que le trap peut être créatif, intelligent, réfléchi, et qu’il peut apporter une nouvelle énergie à la musique haïtienne », déclare-t-il.
L’artiste précise que son travail s’inscrit dans une continuité. « C’est une confirmation que tout ce que j’ai déjà fait jusqu’ici n’était pas un hasard, ni un coup de chance. C’est une direction », affirme-t-il.
Il insiste toutefois sur le fait que son projet ne cherche pas à transmettre un message figé. « En vrai, y’a aucun message direct. Je suis pas là pour faire la morale ou vendre un rêve », souligne-t-il. L’EP est présenté comme une expérience : « Ce projet, c’est un mood, un espace mental, une immersion dans un univers que j’ai moi-même créé. »
Legga 20 défend une approche intuitive et personnelle : « C’est un son qui m’appartient, un monde à part, propre à moi. Si t’es dans le même état d’esprit, tu vas le ressentir. Pas besoin de tout comprendre, faut juste être prêt à entrer dans l’ambiance », poursuit-il.
L’EP est composé de six titres, dont deux collaborations. L’introduction, Bagay diferan, est suivie de Pou Bon, puis de Pan Men w avec Laser. Le morceau-titre M bon sou ou occupe la quatrième position. Viennent ensuite yeah A. avec F-Quake et m’ Pap DamOUanKO, une seconde collaboration avec Laser.
Selon l’artiste, chaque morceau explore une dimension différente de son univers. Le titre principal, m BOn SOuOu, est présenté comme une affirmation : « Le morceau principal de l’EP, c’est M bon sou ou, qu’on peut voir comme une forme de victoire, de prise de position. Mais j’explore ce thème différemment dans chaque morceau. Chaque titre apporte une nuance, une énergie différente. »
L’élaboration sonore du projet s’est faite avec la participation de trois producteurs : M-GICK ON THE TRACK, MISTER BOOM et SCOE WISE NOID. « Avec M-GICK et MISTER BOOM, chaque session était une vraie alchimie. Ils comprenaient exactement où je voulais aller, et ils ont su transformer mes émotions en mélodies », raconte-t-il.
Le mixage et le mastering ont été assurés par SCOE WISE NOID. « Il savait très clairement comment je voulais que l’EP sonne, et il a livré exactement ce que j’attendais », indique Legga 20.
L’artiste explique avoir voulu affirmer davantage son identité musicale à travers ce projet. « Cet EP marque une étape où je suis devenu plus assumé, plus précis dans la direction que je prends. J’ai pris plus de risques sur les sonorités, les flows, la structure des morceaux. Je ne cherche pas à plaire ou à suivre ce que les gens attendent — je cherche à imposer une identité », précise-t-il.
La création de l’EP s’est faite sur un rythme qu’il décrit comme instinctif : « Le processus a été très instinctif. Je n’ai rien forcé, chaque morceau est venu au bon moment, selon l’énergie. L’ambiance en studio était souvent fermée, tamisée, coupée du monde. C’était une vraie bulle mentale où je pouvais rester focus. »
Il ajoute : « Je savais exactement ce que je voulais : une ambiance lourde, planante, structurée. Le projet m’a pris plus de temps que prévu, parce que je tenais à ce que chaque son reflète exactement ce que j’avais en tête. »
Legga 20 précise qu’il ne hiérarchise pas les morceaux de son EP. « Honnêtement, je n’ai pas un morceau plus personnel qu’un autre. Chaque titre sur l’EP représente une facette différente de mes émotions. Ils ont tous été créés avec passion et intention, chaque mot, chaque son a un sens. »
Ce qu’il souhaite, au-delà de la réception critique ou commerciale, c’est que le public entre dans l’univers qu’il a façonné : « L’objectif, c’est aussi que les gens prennent du plaisir, qu’ils katch le mood, qu’ils vivent le son. Ça reste un projet à écouter, à ressentir, à sembianse dessus. »
Né et élevé à Carrefour-Feuilles, Legga 20 est aujourd’hui âgé de 24 ans. Il explique avoir grandi dans un environnement familial où divers styles musicaux cohabitaient. « Tout le monde écoutait de tout : konpa, reggae, racine, et bien d’autres styles », se souvient-il. Cette diversité aurait contribué à façonner son approche artistique.
C’est à Pétion-Ville, où il a passé son adolescence, qu’il dit avoir véritablement plongé dans la musique. « J’ai passé la majeure partie de mon adolescence à Pétion-Ville, où je me suis vraiment plongé dans la musique et commencé à me faire un nom dans le milieu musical », raconte-t-il.
Pour lui, la musique est devenue un outil d’expression à part entière. « La musique a toujours été pour moi une façon d’exprimer ce que je ressens quand les mots seuls ne suffisent pas », explique-t-il. « Faire de la musique est donc devenu pour moi une évidence, un moyen naturel d’exprimer ce que je ressens et ce que je vis. »
Il conclut : « La musique, c’est tout pour moi. C’est ma manière d’exprimer mes émotions, mes combats, mes rêves. Quand je crée ou que je performe, c’est comme si je donnais vie à une partie de moi que je ne peux pas toujours expliquer avec des mots. »
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella