Marc Sony Ricot reçoit le Prix Jacques Roche 2025

Le journaliste et auteur haïtien Marc Sony Ricot a reçu, le 16 juillet 2025, le Prix Jacques Roche. Il s’est entretenu avec Chokarella, revenant sur son itinéraire, son attachement à la culture haïtienne, ainsi que sur la portée symbolique de cette reconnaissance.

Le Prix Jacques Roche, créé en 2007 par la Bibliothèque Georges Castera du Limbé (BGCL), rend hommage à Jacques Roche, journaliste et poète assassiné en 2005 pour ses prises de position. Cette année, le prix a été décerné à Marc Sony Ricot, journaliste culturel et chroniqueur littéraire.

Pour lui, cette reconnaissance s’inscrit dans une mémoire collective. « Recevoir le Prix Jacques Roche, c’est recevoir une mémoire en héritage. C’est un honneur silencieux, une reconnaissance qui me touche au cœur. » Il ajoute : « Ce prix porte un nom qui résonne profondément en Haïti : Jacques Roche, c’est le courage, la culture comme nécessité vitale, la parole portée haut malgré les tempêtes. Il était journaliste, poète, amoureux du pays, et on a voulu le faire taire. Mais sa voix, elle, continue de marcher parmi nous. »

Sur un plan plus personnel, il perçoit cette distinction comme un signal de continuité. « Sur le plan personnel, ce prix me dit simplement : “Continue.” » souligne-t-il. Il y voit une forme de validation d’un parcours souvent discret, mais animé d’un souci constant pour les mots et la mémoire. « Il vient saluer un chemin fait de doutes, de lectures, d’engagement. Il reconnaît aussi un travail souvent discret : des chroniques, des entretiens, des reportages qui tentent de garder vivante la mémoire culturelle d’Haïti. »

Marc Sony Ricot affirme ne pas s’être attendu à recevoir le prix. « J’ai accueilli cette nouvelle avec surprise et gratitude. Je ne l’attendais pas. » Pour lui, l’écriture n’est pas un choix de circonstance, mais une nécessité intérieure. « J’écris parce que j’en ai besoin. Parce que je crois à la force des mots pour nommer, pour guérir, pour transmettre. »

Le fait que le prix émane de la Bibliothèque Georges Castera du Limbé ajoute, selon lui, une dimension particulière à cette reconnaissance. « Ce prix-là, venant de la Bibliothèque Georges Castera du Limbé, me touche d’autant plus qu’il s’inscrit dans une lignée de passeurs de culture. Je tiens à remercier chaleureusement Clément II Benoît, son directeur, pour sa confiance, sa vision et son accompagnement. »

Marc Sony Ricot établit un lien direct entre cette distinction et le fil de son parcours. « Depuis mes premiers reportages pour USA Today, jusqu’à mes chroniques actuelles à La Presse et Le Petit Journal Montréal, j’ai toujours tenté de garder vivante cette flamme de la culture haïtienne, ici comme ailleurs. » Cette démarche s’exprime aussi à travers ses autres initiatives. « Mon livre Secrets d’écrivain et mystère de la lecture est une trace de ce désir de transmission, tout comme mon travail dans les bibliothèques ou dans les podcasts. » Et de conclure : « Ce prix me rappelle que tout cela a un sens. »

Originaire de Port-au-Prince, Marc Sony Ricot a emprunté un chemin non linéaire. Après deux années d’études en journalisme à l’école professionnelle “CETUP”, il débute dans la presse en 2018 avec des collaborations pour Rezonodwes, puis Le National. Très rapidement, il se tourne vers un autre registre. « La lecture m’a rattrapé. J’aime lire, c’était viscéral. Et peu à peu, j’ai bifurqué vers la culture. »

Cette orientation l’amène à intégrer la rédaction du Nouvelliste en 2019, au sein de la page Culture. Il y signe chroniques, portraits, entretiens, en privilégiant une parole posée, attentive au sens. « J’écris avec le souci de transmettre, d’éclairer, de créer du lien. »

En parallèle, il s’implique dans différents espaces : travail en bibliothèque, participation à des festivals, résidences d’écriture. En mai 2023, il est résident aux Résidences Bois de Bry, aux Gonaïves. Là, il explore une écriture ancrée dans son territoire d’origine, destinée à la jeunesse. Il affirme : « J’écris parce que j’en ai besoin. Parce que je crois à la force des mots pour nommer, pour guérir, pour transmettre. »

Installé à Montréal, Marc Sony Ricot poursuit aujourd’hui ses activités journalistiques, notamment au Petit Journal/Montréal et ponctuellement à La Presse. Il anime également des podcasts littéraires comme Des fous et des dieux et Terre des érudits, lancé par l’Institut français en Haïti. Ces formats lui permettent de prolonger sa réflexion sur le rôle du langage et de la mémoire dans les sociétés contemporaines.

En 2024, il publie Secrets d’écrivain et mystère de la lecture chez C3 Éditions, un ouvrage rassemblant des entretiens avec 32 auteurs francophones, parmi lesquels Dany Laferrière, Yanick Lahens, Kettly Mars ou Stanley Péan. Il en résume l’intention : « Ce livre est un hommage à la lecture, aux mots, à ce qui nous lie profondément aux autres. Dany Laferrière m’a soutenu dès le départ, m’a encouragé et a même proposé le titre. »

Au-delà de cet ouvrage, il est aussi présent dans le débat public. En avril 2024, il publie Lettre aux lecteurs et lectrices d’Haïti, un texte qui exprime une forme d’espoir lucide. À la fin de cette même année, dans Les jeunes écrivains haïtiens qui ont marqué 2024, il met en lumière une jeune génération, confrontée à de nombreuses difficultés, mais déterminée à créer.

Le travail de Marc Sony Ricot a déjà été reconnu à plusieurs reprises. En 2021, il obtient le deuxième prix du Concours National de Reportage du Réseau haïtien des journalistes en santé (RHJS) pour un article consacré à la malnutrition. En 2024, il est sélectionné parmi plus de 600 candidats pour représenter Haïti au Forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques, organisé à Halifax. Il porte aujourd’hui le titre de Jeune Ambassadeur de la Francophonie.

À la suite de la remise du Prix Jacques Roche, il a tenu à adresser un message à ses lecteurs et lectrices. « À celles et ceux qui me lisent, je veux simplement dire merci. Merci de faire vivre les mots. » Il prend également soin de s’adresser à la relève journalistique en Haïti : « À la nouvelle génération de journalistes haïtiens, je dirais : il y a de la place pour vous. Osez parler du pays avec sincérité, profondeur et respect. L’engagement ne se mesure pas au bruit qu’on fait, mais à l’attention qu’on porte. À la lumière qu’on tente de garder allumée. »

Avec cette distinction, Marc Sony Ricot inscrit sa démarche dans une continuité où l’écriture, la mémoire et la transmission occupent une place centrale.

Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella

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