La comédienne et metteuse en scène haïtienne Gaëlle Bien-Aimé poursuit les préparatifs de son spectacle « Kèskonfe ? », prévu le 28 juin prochain à “The Parker Playhouse,” à Fort Lauderdale. Invitée ce mardi 17 juin dans l’émission « Carel In The Morning », l’artiste a dévoilé les coulisses de ce stand-up à caractère satirique et les thématiques qu’elle y aborde.
Ce spectacle, qui donne à voir la réalité sociale d’Haïti à travers l’humour et la satire, marque également le retour du personnage « Madan Apollon ». Par ailleurs, Gaëlle Bien-Aimé y évoque sans détour des sujets personnels et collectifs : « À travers ce spectacle, vous allez découvrir ce qui m’a motivé à écrire ce texte, en l’occurrence “Kèskonfe ?”. J’ai raconté comment j’ai eu l’idée d’une manière chronologique. En fait, durant ces dernières années, j’ai souffert d’une anxiété sociale, c’est pourquoi j’évoque les problèmes liés à la santé mentale ; anxiété et dépression entre autres. J’ai également souligné la mort du feu Mikaben, mon opération chirurgicale dans ce stand-up », confie-t-elle.
Elle disposera de 1h30 pour livrer ce récit personnel et social au public de Floride. Cependant, une perspective qui suscite chez l’artiste une certaine appréhension : « Je me sens vraiment stressée car je ne sais pas si les spectateurs apprécieront le produit que je vais délivrer. Toutefois, c’est bien d’avoir le trac », reconnaît-elle.

Dans cette communauté de Fort Lauderdale, Gaëlle note que son père, Jean-Gardy Bien-Aimé, reste une figure plus connue qu’elle : « Lorsque ces personnes me voient, ils m’identifient en tant que la fille de mon père, et ça fait très longtemps que je ne me présente pas ainsi », souligne-t-elle.
Elle rapporte également que beaucoup la suivent sur les réseaux sociaux sans forcément connaître son travail scénique. Ainsi, cette performance sera l’occasion de se présenter à ce public et de porter un regard critique sur la société haïtienne : « Madame Apollon, c’est la partie la plus légère du stand-up. Cependant, j’enlève le voile sur des problèmes en riant parce que Gaëlle, c’est du lourd », déclare-t-elle.
La préparation du spectacle mobilise donc toute son attention. Elle indique avoir déjà répété ses 18 pages de texte à plusieurs reprises. De plus, en tant que metteuse en scène de son propre spectacle, elle reste attentive aux moindres détails. Le show sera ouvert par Atis Panch et Bendji, alias « Alo Matant ». « Certes, ils écrivent leurs textes mais nous travaillons ensemble afin de trouver des meilleurs résultats », précise Gaëlle.

Elle admet qu’on lui propose parfois d’ajouter davantage de traits humoristiques à son texte. Or, c’est une suggestion qu’elle décline : « Car il y a des propos dans mon texte qui me tiennent à cœur, même si les gens ne réagissent pas, je préfère le dire », affirme-t-elle.
Début juin, elle et son équipe de production ont donc décidé de retravailler tous les textes, réservant les derniers jours avant la représentation aux répétitions intensives. Forte de son expérience, de prestations dans plusieurs pays, dont le Canada, Gaëlle Bien-Aimé garde un souvenir précis du public montréalais : « C’est incroyable, je me souviens que j’étais au Canada à la suite de l’un de mes spectacles, Rutshelle Guillaume était dans la ville pour son show, j’allais l’assister. Les gens étaient merveilleux ce jour-là. Je ne sais pas si c’est la température fraîche qui les rend chaleureux », raconte-t-elle.
À propos du public de Fort Lauderdale, elle confie que cela lui rappelle une autre audience en Haïti : « La communauté de Fort Lauderdale me fait penser au public capois. En effet, ces derniers sont très intéressants, ils ne sont pas ponctuels, en revanche ils vont venir dans votre spectacle mais vous devez les attendre comme si c’étaient eux les artistes. Ils aiment ce que vous faites, certes, avec beaucoup de retenue », estime-t-elle.

Ce spectacle représente donc pour elle un défi particulier dans sa carrière de 15 ans, bien qu’il s’agisse de son troisième stand-up, après « Je suis Gaëlle » et « Dous un show » avec Atis Panch. « Parfois, je suis très fatiguée lors de mes séances de répétition, et après je n’ai pas besoin de faire des exercices de musculation tellement cela me demande beaucoup d’énergie. Je le fais du lundi au vendredi, en les divisant en plusieurs parties puis le dernier jour je synchronise tout », détaille-t-elle.
Gaëlle Bien-Aimé explique également qu’elle conçoit ses spectacles comme un espace narratif : « Je ne suis pas là que pour donner des farces mais plutôt pour raconter une histoire, ce qui me différencie un peu des autres blagueurs. Mes shows sont à la frontière du monologue et du stand-up, c’est pourquoi je bouge beaucoup sur la scène en vue d’être complètement dans le jeu et dans la mise en espace », précise-t-elle.
Elle considère d’ailleurs cette représentation comme un tête-à-tête avec le public de Fort Lauderdale : « C’est l’occasion pour eux d’apprécier la jeune femme que je suis », affirme-t-elle.

Dans ce stand-up, Gaëlle Bien-Aimé entend donc se livrer entièrement et évoquer la situation de son pays : « Lorsque vous faites partie de la diaspora haïtienne, et vous vivez quelque part à travers le monde, certes, vous écoutez un peu de nouvelles mais lorsqu’il y a quelqu’un qui vient directement d’Haïti pour vous raconter le vécu de ses compatriotes, c’est comme si je viens vous apporter une partie de moi-même et celle de l’île », explique-t-elle.
Née le 22 décembre 1987, Gaëlle Bien-Aimé est humoriste et actrice professionnelle. Après ses études classiques, elle s’est donc formée en art de la scène au Petit Conservatoire, puis a poursuivi sa formation à l’École supérieure d’acteur de Cinéma et de Théâtre (ESACT) à Liège en 2010, où elle a débuté un stage en ethnodrame. En décembre 2015, elle suit une formation intensive à l’École Nationale de l’Humour à Montréal.

Au fil des années, elle a travaillé sous la direction de plusieurs metteurs en scène dont Guy Régis Jr., Jean-René Lemoine et Pietro Varasso. En 2018, elle fonde son école d’art dramatique, “ACTE”, où elle enseigne notamment le corps et la voix ainsi que l’écriture humoristique. Enfin, en décembre 2022, elle a reçu le Prix Théâtre RFI pour sa pièce “Port-au-Prince et sa douce nuit“, et a également été lauréate de la résidence d’écriture francophone Haïti-Afrique la même année.
Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec Gaëlle Bien-Aimé sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous :
Par Youbens Cupidon © Chokarella