Le disc-jockey et producteur haïtien Gaëtan Collaud raconte son parcours artistique et ses projets à venir. Connu sous le pseudonyme de Kolo, ce passionné de musique électronique souhaite réinventer ce genre en Haïti. Avec son collectif Gwo Lobo, il propose une fusion entre rythmes traditionnels haïtiens et sonorités électroniques. Invité ce vendredi 13 juin dans l’émission Carel In The Morning, il est revenu sur son cheminement et ses ambitions.
« Quand j’étais enfant, je ne voulais pas devenir musicien mais plutôt un pilote, bien que j’aie mon frère Jay Pablo qui produisait de la musique rap à la maison », confie-t-il. Il explique qu’il a commencé à nourrir cette idée après avoir changé d’établissement scolaire. « J’ai rencontré un camarade qui était l’unique producteur de musique dans mon école à cette époque. J’ai remarqué qu’il utilisait le même logiciel que mon frère, du coup, cela a attiré mon attention et je me disais : ça vaut la peine d’essayer. »
Kolo souligne qu’au départ, il considérait ce logiciel comme un jeu. Amateur de jeux vidéo, il télécharge l’application dès son retour à la maison avant de se tourner vers YouTube pour découvrir les différentes fonctionnalités du logiciel. « Pour moi, YouTube est la plus grande université que je connaisse, et c’est ainsi que je me plonge dans le monde de la production des instrus », poursuit-il.
Il raconte avoir été encouragé par ses camarades d’école, qui appréciaient ses compositions et lui prodiguaient des conseils pour s’améliorer. « Ils m’ont dit ce que je dois faire afin de m’améliorer », indique-t-il. Sa première chanson, il l’a réalisée avec Giovanni en 2014 à la maison. « C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à prendre la production musicale au sérieux », révèle-t-il.
Le jeune producteur évoque également sa rencontre avec le DJ Gardy Girault, peu après cette première composition. Tous deux partageaient une passion pour la house music. « Je l’ai dit : un jour, nous allons faire un son ensemble. Il n’a pas cru vraiment en ce que je disais car il me riait au nez à l’instant où je prononçais cette phrase. Mais moi, j’ai cru en ce que je disais », raconte Kolo.
Peu de temps après, un premier contact professionnel s’établit. Gardy entend un morceau de Kolo sur SoundCloud et lui demande de remixer sa chanson Sole. « Le même jour, j’ai finalisé le projet et nous l’avons diffusé », se souvient-il. Par la suite, alors qu’il était encore à l’école, Gardy lui propose d’assurer la première partie d’un événement. Mais Kolo décline l’offre.
« Il me disait : est-ce que j’aimerais ouvrir son programme pour lui ? Je lui disais non, je ne suis pas prêt. Et quand je le serai, je viendrai vers toi. Ce jour-là, Gardy m’a compris et il a accepté ma proposition », déclare-t-il.
Il évoque aussi le soutien de ses parents dans ses débuts. Son père lui offre son premier appareil électronique, certes modeste, mais qui lui permet de s’initier sérieusement au mixage. En 2016, Gardy Girault reprend contact pour lui proposer de jouer dans son programme au restaurant Quartier Latin.
« J’ai accepté son offre et j’allais montrer ce que je sais faire. Il y a des gens qui sont venus danser lorsque je jouais. Après ma performance, Cédric est venu me féliciter en me disant qu’il aimait mes transitions et voilà ce que je dois avoir comme compétence pour mieux avancer », se remémore-t-il.
À cette période, Kolo ne se projette pas encore dans ce milieu sur le long terme. Pourtant, en juillet 2017, lorsque le chanteur J-Perry publie la chanson Relax avec Solara, il décide d’en produire un remix. « Cette version a été bien accueillie par le public, sur mon compte SoundCloud les chiffres augmentaient rapidement. Et un jour, alors que j’étais à la plage, j’ai entendu le son sur des bateaux. Gardy m’a donné le contact de J-Perry, et ce dernier m’a déclaré qu’il aimait le son et qu’on devrait le sortir officiellement », raconte-t-il.
Ce succès contribue à installer Kolo dans le paysage musical haïtien. En 2018, J-Perry l’invite à son événement Le Concert, organisé à Tara’s. L’occasion pour le jeune producteur de rencontrer des artistes établis comme feu Mikaben, Freedom et Michael Brun. « J’ai approché Michaël Brun, il me disait que je pourrais être un DJ. C’est là que j’ai commencé à réfléchir autrement et j’ai pris à cœur ce qu’il m’a dit », ajoute-t-il.
La même année, il part étudier la sonorisation au Canada, mais il affirme que les notions abordées lui étaient déjà familières grâce à YouTube. « Ce que j’ai appris à l’école était déjà sur YouTube », confie-t-il.
De retour, Kolo entreprend de repérer les artistes évoluant dans la même catégorie que lui. C’est ainsi qu’il découvre le DJ Manito sur Instagram grâce à son remix de Vèvè Lokal de Kanis (Niska), en collaboration avec Bookman Eksperyans. Sur les conseils d’un ami, il prend contact avec Manito pour une éventuelle collaboration. « Je n’aime pas écrire aux gens que je ne connais pas, mais à la fin j’ai pu le contacter pour lui demander une collaboration. Il a accepté, puis je lui ai demandé de m’envoyer les voix de ces artistes », rapporte-t-il.
Manito lui transmet les pistes nécessaires et Kolo réalise sa propre version du morceau. Une relation professionnelle s’installe entre les deux. Parallèlement, il poursuit sa collaboration avec Gardy, enchaînant les événements dans les clubs de Pétion-Ville. C’est Gardy qui lui présente alors Ti-Tambou. « En évoluant avec eux, j’ai rencontré Paul par l’intermédiaire de Kabysh, puis nous faisons notre première chanson ensemble qui s’intitule Gwo Lobo », indique-t-il.
Kolo se souvient également de la naissance de ce titre, produit à partir d’une instrumentale de Manito destinée initialement à un autre projet baptisé Trip Tropikal. « Lorsqu’il m’a fait écouter cette mélodie, j’ai commencé à travailler dessus. D’un coup, nous entendions Kabysh chanter des paroles qui allaient devenir la base de cette chanson », raconte-t-il.
Ce morceau, qu’ils décident d’intégrer à leur première compilation, dépasse leurs attentes. « Lors de la sortie de ce projet, tout le monde dans la ville du Cap-Haïtien la chantait. En observant cela, nous avons organisé un programme qui porte le nom du titre, et maintenant Gwo Lobo est le nom de notre groupe », précise-t-il.
Jusque-là, Gaëtan Collaud utilisait encore son nom de naissance. En 2021, constatant que les gens peinaient à le prononcer correctement, il choisit de signer ses productions sous le pseudonyme Kolo, orthographié en créole.
Enfin, il évoque un épisode récent de son parcours. Lors de la tournée européenne du groupe Arcade Fire, baptisée The We Tour, des imprévus contraignent les organisateurs à modifier leur line-up. Bookman Eksperyans est sollicité pour assurer les premières parties entre 2022 et 2024. Une semaine avant le départ, Paul Beaubrun fait appel à Kolo pour intégrer la scène avec le groupe.
Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec Michaël Brun sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous :
Par Youbens Cupidon © Chokarella
