Le jeune rappeur haïtien Deb Ashley Nerestil, connu sous le nom de scène ÄSHH, prépare la sortie de son nouveau projet. Intitulé “WE GO UP“, cet EP réalisé en collaboration avec le rappeur Rood Carter paraîtra en juillet prochain. L’artiste en a dévoilé les coulisses dans un entretien accordé à Chokarella, évoquant son cheminement, ses sources d’inspiration et son approche de la création musicale.
Originaire de Delmas, Deb Ashley Nerestil, alias ÄSHH, poursuit son parcours dans l’industrie musicale haïtienne. Il s’inscrit en dehors des formats habituels et revendique un univers personnel. « Je suis ÄSHH, un jeune artiste qui mélange rap et chant, tout en créant un univers très personnel dans la musique haïtienne », affirme-t-il.
Avant le rap, ÄSHH s’est essayé au slam, dès l’âge de 15-16 ans. Ce travail autour de la langue a structuré sa manière d’écrire. « Vu que j’ai toujours écouté du rap, j’avais envie d’essayer. Donc, vers 18-19 ans, j’ai commencé à écrire du rap à côté de mes textes de slam. Et une fois que j’ai eu 20 ans, j’ai balancé mon tout premier texte de rap », confie-t-il. Ce premier morceau, Juste quelques mots, reste un souvenir marquant.

C’est sous l’impulsion de ses proches qu’il s’est orienté vers le rap. « Depuis l’époque où je faisais du slam, mes potes me disaient déjà que mes textes avaient une vibe très rap. Du coup, cette idée est restée longtemps dans ma tête », se souvient l’artiste.
ÄSHH n’a jamais suivi de formation musicale, ni intégré de chorale. « Non, j’ai jamais reçu de formation musicale. Ironiquement, à l’église, je détestais la chorale. J’aimais pas le fait que les enfants soient tous alignés comme des soldats », raconte-t-il. Il revendique aujourd’hui une démarche opposée : « Mais aujourd’hui, je fais complètement l’inverse, j’abuse même sur les harmonies dans mes sons ! »
Un style qu’il qualifie lui-même d’“ovni”, à contre-courant des tendances locales. « Je dirais “ovni.” Mon style est tellement à part dans le paysage musical haïtien que, pendant un moment, je pensais que ça ne pouvait même pas marcher ici », admet-il. Un positionnement assumé, nourri par des influences venues d’ailleurs. « Pour être honnête, j’ai pas trop consommé de musique locale, sans vouloir manquer de respect. J’étais plus branché rap français et pop américaine », précise-t-il.

Parmi ses références, Michael Jackson occupe une place particulière. « Mon artiste préféré de tous les temps, c’est Michael Jackson », déclare-t-il. Dans le rap français, ses premières inspirations sont venues de Sexion d’Assaut, Youssoupha ou encore Kery James. « Tous mes EPs sont écrits et chantés en français », ajoute-t-il. Aujourd’hui, ses écoutes sont plus éclectiques : « Je suis à fond sur la musique UK avec Dave, beaucoup de rap US comme Kendrick, J. Cole, Mick Jenkins, Bas, etc. Et côté rap français, j’écoute surtout des artistes moins mainstream comme Bekar, ISHA, Luidji… »
Pour ÄSHH, la musique occupe une place essentielle. « Depuis tout petit, j’en consomme beaucoup. Pour moi, la musique c’est le seul vrai moyen que j’ai pour m’exprimer. Je fais tout avec la musique. Sans ça, je suis vraiment handicapé », confie-t-il. Il souhaite transmettre des émotions et défendre l’idée que chaque artiste peut affirmer sa différence. « Je veux partager des émotions, montrer ma vision du monde. Je veux que les gens comprennent, en m’écoutant, que c’est cool d’être différent. De faire son truc, dans son coin », explique-t-il.
ÄSHH signe l’intégralité de ses textes. Son écriture se construit à partir de l’émotion du moment. « J’ai pas vraiment de processus fixe. J’écris selon le feeling. Je vais là où l’inspi me mène », indique-t-il. Tout démarre par une production instrumentale, souvent envoyée par OG Marcus, beatmaker avec qui il collabore régulièrement. L’enregistrement se fait ensuite aux côtés d’Otantik Beat. « Je peux pas écrire si j’ai pas le beat. L’instru guide mon mood », précise-t-il.

En trois EPs, ÄSHH a exploré des registres diversifiés. NVLL PL, paru en 2020, qu’il décrit comme « premier jet brut et sincère », suivi de VRAIMENT FLOU en 2023, plus introspectif et textuel, et enfin digo en 2024, un projet expérimental tourné vers le chant et l’afrobeat. « Ce sont trois projets avec trois ambiances complètement différentes. Sur digo, par exemple, j’ai même testé uniquement le chant et l’afro. Tout ça pour vous montrer à quel point j’aime explorer différents genres musicaux », explique-t-il.
Cette volonté de diversification l’amène aujourd’hui à préparer un nouvel EP collaboratif. WE GO UP, réalisé avec Rood Carter, paraîtra en juillet. Il est produit par Otantik Beat et Charly Moy, deux partenaires de longue date dans la construction de son univers sonore.
En parallèle de la musique, ÄSHH s’intéresse à d’autres formes d’expression artistique. « Oui, carrément. La photo, je prends pas mal de clichés en ce moment. J’aime aussi le design et la vidéo, mais je suis juste curieux dans ces domaines-là », conclut Deb Ashley Nerestil.
Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella