Du 3 au 6 juin, la ville de Cap-Haïtien, au nord d’Haïti, a accueilli la première édition du Festival du Film Européen. Un événement inédit dans un pays où les manifestations culturelles internationales se font de plus en plus rares, en raison d’une situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader. L’Union européenne, à l’initiative de cette activité, a voulu offrir un espace de rencontres et d’échanges autour du cinéma, dans une région qui reste à ce jour relativement préservée des violences qui paralysent la capitale.
Dans un communiqué publié à la clôture du festival, la Délégation de l’Union européenne en Haïti rappelle le contexte difficile dans lequel cette initiative a vu le jour. « En Haïti, organiser un festival européen du film ne constitue pas une mission de tous les jours », souligne-t-elle. La capitale, Port-au-Prince, est en grande partie sous la coupe de groupes armés. « Avec plus de 85 % de la capitale Port-au-Prince sous le contrôle des gangs armés, les possibilités d’échanges et d’épanouissement culturel sont assez limitées », observe la Délégation. Face à cette réalité, elle estime qu’« avoir l’occasion de respirer, de rêver, et d’échanger sur la culture constitue une nécessité pour une population haïtienne qui subit des privations et montre, chaque jour, une résilience toujours plus extraordinaire ».
C’est précisément dans ce climat que la Délégation européenne a choisi d’organiser ce rendez-vous à Cap-Haïtien, deuxième ville du pays, située sur la côte nord. Moins exposée à l’insécurité que Port-au-Prince, la cité capoise attire de plus en plus de déplacés internes et de résidents en quête de répit. « Cette ville, située dans le nord du pays, reste épargnée de la violence et, par conséquent, tend à devenir un refuge voire un ultime lieu de repli, avec le seul aéroport du pays proposant encore des vols internationaux », justifie le communiqué.
Durant quatre jours, plus de 300 spectateurs ont pris part aux activités du festival. Trois projections ont été programmées au Campus universitaire Henri Christophe de Limonade et à l’Alliance française de Cap-Haïtien. Des films européens y ont été présentés, suivis de discussions entre cinéastes, étudiants et passionnés de cinéma. À l’issue de ces projections, un débat s’est tenu avec l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti, Stefano Gatto. « Un débat avec l’ambassadeur Gatto a eu lieu à la suite de ces projections, afin de pouvoir échanger sur le cinéma européen et haïtien ainsi que sur les débats actuels en Haïti », précise le communiqué. Ces échanges ont offert l’occasion aux cinéphiles haïtiens « d’en apprendre davantage sur le monde du cinéma et sur l’Europe ».
L’événement a été largement relayé dans les médias locaux. Plusieurs entretiens ont été accordés par l’ambassadeur Stefano Gatto aux radios et télévisions de la région, ainsi qu’à la presse écrite et en ligne. Il y a notamment affirmé : « Malgré la situation sécuritaire difficile dans le pays, ce festival a montré qu’on peut et qu’il faut créer des espaces pour échanger avec la jeunesse haïtienne, le futur du pays ».
Au-delà de l’aspect cinématographique, ce déplacement dans le nord a aussi permis aux équipes de la Délégation de l’Union européenne de prendre la mesure des réalités sociales et économiques de cette région d’Haïti. « Le festival a permis à la Délégation de mieux appréhender les diverses réalités présentes en Haïti et l’écosystème culturel et entrepreneurial dans le nord du pays », note le communiqué.
En marge de ces projections et débats, l’ambassadeur Gatto s’est également entretenu avec des représentants d’associations de jeunes autour des questions de culture, de développement et d’avenir, dans une ville où la jeunesse tente de s’organiser malgré l’instabilité du pays.
Si cette première édition a eu lieu à Cap-Haïtien, les organisateurs n’entendent pas en rester là. Une deuxième partie du festival est prévue dans les prochaines semaines à Port-au-Prince. La Délégation européenne précise que la programmation et les conditions de sécurité pour cet événement dans la capitale seront ajustées en fonction de l’évolution de la situation.
Avec cette initiative, l’Union européenne entend ainsi maintenir son engagement dans le secteur culturel et éducatif en Haïti, et rappeler, selon les mots du communiqué, qu’il est « nécessaire de créer des espaces pour respirer, rêver et échanger sur la culture » dans un pays où les opportunités en ce sens se font de plus en plus rares.
Par Ravensley Boisrond, éditeur en chef de Chokarella