Litainé Laguerre raconte les oubliés des prisons haïtiennes dans son premier roman

L’écrivain et linguiste haïtien Litainé Laguerre a procédé, le 1er juin dernier, à la vente-signature de son premier roman intitulé « Titanik 16 ». L’événement s’est tenu au restaurant La Bouffe, à Delmas 65. À travers cet ouvrage, publié chez Protra Édition, l’auteur originaire de Cité Soleil donne la parole aux plus pauvres, incarcérés dans le plus grand centre pénitentiaire du pays.

Divisé en quatre parties aux longueurs irrégulières, ce livre dresse le portrait du quotidien carcéral en Haïti, en abordant des thématiques telles que la justice sociale, l’inégalité, l’accès à la justice et la misère sexuelle. « Je voulais, comme le propose l’écrivain français Victor Hugo, faire l’épopée des pauvres », confie-t-il lors d’un entretien accordé à notre rédaction.

Le titre du roman, Titanik 16, renvoie directement à la réalité de ces détenus. « Il traduit le nom d’une cellule de la prison qui porte la renommée d’une prison à l’intérieur de cette prison, c’est l’enfer de ce lieu », explique Litainé Laguerre, né à Port-au-Prince en 1998, dans la commune de Cité Soleil.

Ce jeune auteur a grandi dans un environnement marqué par la violence des gangs, sous la protection de sa mère. Une situation difficile qu’il n’oublie pas. « Il n’y a pas une grande différence entre mon adolescence et celle des autres enfants. Hormis, j’ai eu la chance d’avoir mon grand amour qui était toujours là pour me protéger », se remémore-t-il.

Son parcours scolaire s’est intégralement déroulé dans sa commune natale, entre plusieurs établissements. Il a débuté à Cité Lumière pour ses premières années, poursuivi à Bois-Neuf pour le cycle élémentaire, à Hands Together et Becky DeWine pour le fondamental, avant de fréquenter le Lycée National de Cité Soleil. Pour ses études supérieures, Litainé Laguerre a rejoint la Faculté de Linguistique Appliquée de l’Université d’État d’Haïti, dans le département des sciences du langage.

Attiré par la littérature dès son plus jeune âge, il explique que c’est l’école qui lui a ouvert cette voie. Cette rencontre précoce avec les lettres a été, selon lui, déterminante. « J’ai cru avoir mes histoires à raconter et celles des autres. Mais beaucoup plus de mes contradictions intérieures que celles du monde », admet-il.

Ses lectures d’auteurs haïtiens et étrangers ont aussi façonné sa vision. Il cite parmi ses influences Lyonel Trouillot, Jacques Stephen Alexis, René Philoctète, Ahmadou Kourouma, Ngũgĩ wa Thiong’o, Selby Jr et Steinbeck. « Les œuvres de ces auteurs m’ont aidé à comprendre et à voir le monde et la littérature sur un autre angle et d’aller au-delà de la caricature humaine et des choses exposées par l’actualité quotidienne », remarque-t-il.

Toutefois, l’idée de bâtir une carrière littéraire ne figure pas parmi ses priorités. « Je veux seulement écrire de bons livres. Selon moi, le mot ne reflète que la quantité de l’écrit, mais pas la qualité. C’est pour cette raison que je m’abstiens à vouloir faire carrière d’écrivain », confie-t-il.

Litainé Laguerre a fait ses premiers pas dans l’écriture avec des textes poétiques. À ses yeux, ce genre est « une zone d’intimité ». Bien qu’il ait débuté par la poésie, il affirme ne pas s’y cantonner. « D’ailleurs je viens tout juste de publier Titanik 16, mon premier roman. Malgré c’est un genre vulgaire, le roman, par sa forme, permet plus de détails contrairement à la poésie qui suppose un usage beaucoup plus subtil et d’appropriation du langage », souligne-t-il.

Présent cette année encore à la foire du livre Livres en folie, l’auteur salue cette opportunité. « En 2022, j’ai signé mon premier recueil de poésie Devwa Afwontman, et cette année encore je vais signer mon tout premier roman Titanik 16 », précise-t-il.

Parallèlement, Litainé Laguerre s’implique dans la vie de sa communauté à travers des activités sociales. Il est membre du Collectif KOJES, une association à but non lucratif intervenant dans les quartiers dits à risque, notamment dans les domaines de la culture, de la formation et de l’éducation. « C’est une association qui évolue dans ces zones et nous voulons porter le projet plus loin avec des objectifs cruciaux », affirme-t-il.

Il participe également aux activités de l’Atelier Jeudi Soir, dirigé par l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot. Cependant, il dénonce l’attitude de certains jeunes auteurs qui, selon lui, valorisent des productions médiocres. Il invite les aspirants écrivains à s’en éloigner et à travailler avec constance. « Il faut toujours prioriser la qualité, le jeunisme vénéré actuellement est un piège il faut s’en débarrasser », conclut-il.

Par Youbens Cupidon © Chokarella

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