À l’occasion de la fête du drapeau, le dimanche 18 mai, le chanteur et artiste pluridisciplinaire haïtien Collinx Mondésir, connu sous le nom de MCo, a présenté son nouveau morceau vidéoclipé intitulé Bouske. Disponible sur toutes les plateformes de streaming, ce titre se veut, selon l’artiste, bien plus qu’une chanson.
« Bouske est plus qu’une chanson, c’est un signal d’alarme. Une invitation brute à creuser sous le silence, sous les traumas, sous les identités façonnées par la colonisation », explique MCo lors d’un entretien téléphonique accordé à notre rédaction. À travers ce morceau, l’artiste, engagé pour le bien-être collectif, adresse un message aux Haïtiens, qu’ils soient dans le pays ou au sein de la diaspora.
Dans cette chanson pensée comme un travail de mémoire, l’artiste invite à une introspection collective. « Cette démarche de mémoire active est une question posée à chacun de nous : qui sommes-nous quand on ne survit plus, mais est-ce qu’on vit vraiment ? Et qui pourrions-nous devenir si on se souvenait pleinement de qui on est ? » interroge-t-il à l’occasion de cette date symbolique pour la nation haïtienne.
Mondésir Collinx appelle également ses compatriotes à se reconnecter à leurs racines. Pas pour rester figés dans le passé colonial, mais, précise-t-il, « pour retrouver ce qu’on a été forcés d’abandonner : notre vérité, notre feu, notre lien au réel ». Il poursuit : « Cet hymne nous donne des raisons à ne plus fuir, mais à sentir, à réancrer notre marche dans quelque chose de vrai, de nu, de profond ».
Né le 17 novembre 1992 à Grosse-Roche, dans le nord d’Haïti, MCo a, dès son enfance, perçu la musique comme un outil d’expression et non comme un simple divertissement. Selon lui, elle permet de dire ce que beaucoup refusent d’aborder. Avec Bouske, il mêle des voix et des percussions dans une composition qu’il décrit comme une « marche rituelle, presque sacrée », destinée à insuffler un souffle nouveau dans le quotidien des Haïtiens.
« Ce n’est pas un beat moderne, c’est une mémoire sonore. Il y a une énergie de yanvalou dans le mouvement, une lenteur qui appelle à l’introspection mais qui reste enracinée dans notre mémoire corporelle. La voix, parfois fragile, parfois incantatoire, guide l’écoute comme un souffle », précise-t-il.
Artiste pluridisciplinaire, Mondésir Collinx se définit également comme multipotentiel et hypersensible. Il confie avoir longtemps perçu la musique comme une langue qu’il ne parlait pas, bien que son corps la comprenait déjà, créant ainsi un pont entre émotions brutes et transformation. Ce rapport à la création nourrit son choix de rester artiste indépendant. « Je veux rester libre pour dire ce que j’ai à dire, avancer selon mon rythme et impacter là où c’est nécessaire. L’indépendance me permet d’être cohérent et sincère », affirme-t-il.
Pour autant, il souligne l’importance des échanges et de l’entourage dans son processus créatif. « Je ne crée jamais seul. Je suis toujours en dialogue avec une communauté d’alliés, de créatifs, de techniciens et d’âmes sensibles », rappelle MCo, ajoutant que « l’indépendance, ce n’est pas l’isolement : c’est une liberté reliée ».
Mondésir Collinx navigue entre plusieurs disciplines artistiques qu’il associe à une même finalité : contribuer au bien-être collectif. « Chaque médium vient me chercher à un moment différent. La poésie m’aide à nommer l’invisible, la musique à le sentir, le design à le rendre tangible », confie-t-il. Sa vie, dit-il, est semblable à un arbre aux nombreuses branches nourries par une sève commune. « L’important, ce n’est pas l’équilibre parfait, mais l’intention claire », explique-t-il.
Bouske s’inscrit dans la continuité d’une série d’œuvres à caractère engagé. Le 31 janvier dernier, il avait rendu hommage à Jean-Jacques Dessalines avec le titre Lanperè a Mouri, en collaboration avec BélO. Il a également proposé COLOC, un projet musical introspectif et universel, avant de dévoiler ce nouveau morceau à l’occasion du 18 mai.
« J’ai voulu que la chanson sonne comme un appel, comme une procession intérieure, une quête vers l’authentique. Le 18 mai n’était pas juste un prétexte de calendrier : c’était l’occasion de rappeler que notre identité n’est pas une célébration folklorique, c’est un combat vivant. Ce morceau devait porter ce souffle-là », soutient-il.
Plus largement, Mondésir Collinx décrit Haïti comme « un cri qui attend d’être entendu ». Il estime que le pays n’est pas détruit, mais « épuisé par des couches d’injustice, de mensonge et de manipulation ». Pour lui, « on vit une fracture entre ce qu’on est au fond : des êtres de lumière, de création, de dignité et ce qu’on est forcés de devenir pour survivre ». À travers son travail, il affirme vouloir « créer des espaces de lucidité, d’espoir et de régénération ».
L’artiste prépare de nouveaux projets, en solo et en collaboration, toujours animé par le même besoin de sens et de connexion. « Au-delà de la musique, je prépare aussi la publication d’un recueil de poésie et je développe plusieurs projets entrepreneuriaux, tous alignés avec ma mission : contribuer au bien commun », annonce-t-il.
Mondésir Collinx est convaincu que l’art conserve aujourd’hui une importance capitale. « Si mes mots, ma voix ou mes créations peuvent servir à ré-enchanter et éviter de fuir la réalité, même pour une seule personne, alors je considère que ma mission est en marche », conclut-il.
Par Youbens Cupidon © Chokarella