Des Gray, réalisatrice haïtienne au cœur de l’industrie musicale américaine

Née et élevée en Haïti, Des Gray trace aujourd’hui sa voie dans l’univers très compétitif de la réalisation de clips et de films aux États-Unis. La réalisatrice et productrice haïtienne-américaine a grandi dans des conditions précaires sur l’île. « Je vivais dans ces petites maisons en tôle. On n’avait pas la télévision, pas de jouets, rien de ce à quoi les enfants américains ont accès », raconte-t-elle. Très tôt, elle apprend à se débrouiller. « Je suis devenue adulte à cinq ans », poursuit-elle.

C’est cette enfance difficile qui nourrit aujourd’hui encore son imaginaire et sa démarche artistique. « À force de ne rien avoir, on commence à inventer, à écouter les sons dans le quartier, à regarder la lumière qui sortait des maisons », se souvient-elle. Arrivée aux États-Unis à l’âge de 12 ans, elle découvre le cinéma et la musique, des domaines qu’elle choisira d’explorer à travers des études en théâtre et des stages en production musicale.

Une réalisatrice dans un milieu masculin

Des Gray a fait ses armes au sein de grandes structures comme Sony Music et BET, avant de s’imposer dans la réalisation de vidéoclips pour des artistes de renom. Le premier clip qu’elle signe est celui de Lil Donald, Do Better, un titre abordant les violences domestiques. « Ce clip me parlait, parce que j’ai grandi dans un environnement où la violence était présente sous plusieurs formes », explique-t-elle. Visionnée plus de 60 millions de fois, cette réalisation marque un tournant dans sa carrière.

Entrer dans ce milieu très masculin ne s’est pas fait sans obstacles. « Au début, on m’a imposé de co-réaliser certains projets avec des hommes, simplement parce que j’étais une femme », confie-t-elle. Mais Des Gray s’accroche et gagne progressivement la confiance des artistes. « Les artistes me contactent directement et me confient leur vision. Une fois qu’ils me font confiance, on peut vraiment travailler », affirme-t-elle.

De Haïti à Atlanta, une trajectoire marquée par la résilience

Basée aujourd’hui à Atlanta, elle collabore avec des figures majeures de la scène hip-hop comme Future, Migos, Lil Baby ou encore Chris Brown. Elle a récemment réalisé le clip Shopping Spree, réunissant Davido, Young Thug et Chris Brown. « C’était intense. On avait 48 heures pour tout boucler parce que Davido arrivait de Lagos. On a dû organiser les tests COVID sur place et tout tourner dans une école d’art », raconte-t-elle.

Des Gray est également à la tête de sa propre structure, Foreign Made Films, un nom qui témoigne de son parcours. « J’ai choisi ce nom parce qu’on était tous des étrangers sur le tournage de Do Better. Ça m’a marquée de voir des gens de partout travailler ensemble », précise-t-elle.

Former la relève et penser au cinéma

En parallèle, elle a lancé One Shot University, une école en ligne qui accompagne les jeunes créatifs souhaitant se lancer dans la production audiovisuelle. « J’ai envie de transmettre ce que j’ai appris et de donner des outils à ceux qui, comme moi, viennent de milieux modestes », dit-elle.

Si la musique reste son domaine de prédilection, elle se projette déjà vers le cinéma. « Mon objectif, c’est de faire des films. Les clips sont une façon pour moi d’expérimenter et de me préparer à cette transition », affirme-t-elle. Parmi les artistes avec qui elle rêve de collaborer figurent Rihanna et Janet Jackson. « Avec Rihanna, je pourrais explorer une créativité folle. Et avec Janet, ce serait un travail plus posé, en accord avec sa musique », envisage-t-elle.

Des Gray, qui se définit avant tout comme « une Haïtienne qui n’a jamais oublié d’où elle vient », continue ainsi d’ouvrir des portes dans un secteur longtemps réservé aux hommes.

© Chokarella

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