Invité de l’émission “Carel In The Morning” le vendredi 2 mai 2025, Jean Hérard Richard, plus connu sous le nom de Richie, s’est exprimé sur le 13e anniversaire de son groupe Klass et sur son prochain album solo. Le maestro est revenu longuement sur son parcours, de ses débuts au sein de Zenglen à la création de Klass, en passant par les obstacles rencontrés sur son chemin.
Dès l’entame de l’entretien, Richie a confirmé qu’aucun événement spécial n’était prévu pour cet anniversaire, invoquant le contexte difficile que traverse actuellement la population haïtienne. « Nous avons pris cette décision en vue de sympathiser à nos confrères haïtiens qui sont en train de traverser un moment sombre, car nous voulons toujours célébrer cela avec eux », a-t-il précisé.
Sur le plan musical, Richie prépare un album solo avec pour ambition d’introduire de nouvelles voix sur la scène haïtienne, une démarche qu’il n’avait plus entreprise depuis plus de treize ans. « À la suite d’une discussion avec Pipo, nous avons décidé de conserver nos sons. Pas d’album compas en solo, mais nous avons également opté pour la production d’autres styles musicaux en solo comme le Roots (Racine) », a-t-il confié.

Toutefois, Richie demeure attaché au compas et entend bien préserver ce genre musical auquel il reste fidèle. « Je suis tellement accro avec le compas, je sens que ma responsabilité c’est d’éviter sa dissolution. C’est pourquoi je ne suis pas le courant, la tendance musicale qui est au-devant de la scène en ce moment, je peux le faire facilement », a-t-il ajouté.
Revenant sur son départ de Zenglen, Jean Hérard Richard a expliqué qu’il souhaitait proposer quelque chose de nouveau pour éviter toute ressemblance avec son ancien groupe. « Je voulais tout recommencer, car Zenglen a son propre itinéraire. À travers ce projet, je voulais proposer un truc qui me ressemble. Et à chaque fois que je me rends dans un studio, c’est comme si j’irais appliquer pour le succès une nouvelle fois », a-t-il souligné.
Richie a également raconté l’origine du nom de son groupe, une idée soufflée par son amie Nadia Pressage. « Elle m’a dit que tout le monde m’appelle professeur, en poursuivant avec la question suivante : où est-ce que les professeurs effectuent leurs travaux ? J’étais vraiment surpris », a-t-il relaté.

Le maestro est revenu sur les débuts difficiles de Klass, marqués par des tensions internes qui avaient conduit à une pause temporaire dès le 31 décembre 2012, quelques mois seulement après le lancement du groupe. « Nous avons lancé avec deux chanteurs notamment Hollywood et Klemay. Avec eux, nous avons réalisé un single. Jusque-là, il manquait quelque chose entre nous, c’est la raison pour laquelle qu’ils n’ont pas chanté le premier album de Klass qui était déjà prêt à l’époque », a-t-il précisé.
Au fil du temps, les deux chanteurs ont quitté le groupe pour des raisons personnelles, provoquant une rupture brutale. Pour relancer le projet, Richie s’est tourné vers Edersse Stanis, dit Pipo. « Pipo venait de quitter Nu Look, bien que je l’aie dit de ne pas le faire au préalable. En revanche, il ne m’a pas cru quand je lui ai proposé d’intégrer mon band, et nous nous sommes rencontrés afin de discuter sur son avenir dans le groupe », a-t-il raconté. L’entrée officielle de Pipo au sein de Klass a été marquée par un spectacle au Ramada Plaza le 20 avril 2013.
Dans cette dynamique, Richie a précisé que le choix de ses musiciens répond à des critères à la fois professionnels et humains. « De fait, mes musiciens sont des gens expérimentés et je préfère travailler avec des personnes qui respectent la dignité humaine au lieu de le faire à un génie », a-t-il indiqué.

Durant ces treize années d’existence, le groupe a connu des moments marquants sur scène, tant en Haïti qu’à l’étranger. Richie s’est souvenu d’un festival à Aquin, où, sous la pluie, les instruments étaient inexploitables. « Pipo a décidé d’aller chanter avec le public tout seul, et ce dernier qui l’a servi de chœur en reprenant tous les morceaux », a-t-il relaté. Une expérience similaire a eu lieu en Martinique, où les spectateurs étaient venus équipés de parapluies et où la scène avait été aménagée pour résister aux intempéries.
Pour Richie, le succès s’accompagne de défis constants. « Le succès est équivalent aux défis, et je ne veux pas que les gens pensent qu’il est facile », a-t-il affirmé, avant d’ajouter : « Cependant, maintenir le succès c’est la chose la plus difficile, et il n’est pas destiné aux gens qui ont de la maturité. Par conséquent, nous sommes chanceux parce qu’on a tous les deux. »
Le maestro estime que la stabilité et la maturité des membres de Klass expliquent la solidité du groupe. « Nous savons très bien ce qu’on doit faire avec cela, du coup la manière dont nous gérons le nôtre fait croire aux autres qu’il est facile. Mais non, nous rencontrons beaucoup d’obstacles. Le fait qu’on ait une prévision de ce qui nous attend, cela nous permet de les bien anticiper », a-t-il expliqué.

Richie reste convaincu que l’histoire de Klass tient avant tout du destin. « Klass est créé au bon moment, et je sais quand remercier mes collaborateurs pour ce que je reçois et quand je dois prendre le crédit pour mes productions », a-t-il reconnu.
Interrogé sur sa longue carrière, Richie, qui compte environ 35 ans d’activité professionnelle dans l’industrie musicale haïtienne, a reconnu qu’il avait été particulièrement prolifique au sein de Zenglen. Il en a également souligné les nombreuses crises internes. « Zenglen c’est un groupe qui connaissait des crises internes très souvent, causées par les départs de ses musiciens », a-t-il déclaré. « Quand c’est un chanteur qui a résilié son contrat, nous sommes obligés de venir avec un nouveau produit afin de faciliter l’intégration du nouveau chanteur », a-t-il confié. Il a toutefois précisé que le rythme de production du groupe n’était pas normal, les albums ne pouvant véritablement s’installer dans la durée et les publics n’ayant pas le temps de s’y attacher.

Enfin, Richie a évoqué son souhait de voir les 75 ans du compas célébrés par les musiciens de toutes les générations, réunis sur une même scène. « J’aimerais que tous les musiciens soient venus avec leurs instruments pour commémorer ce moment. Par exemple, un guitariste peut défiler avec sa guitare », a-t-il lancé. Il a toutefois précisé que, si on l’invitait à participer à un projet similaire, il accepterait, mais ne souhaiterait pas en être le leader.
Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec Jean Hérard Richard sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous :
Par Youbens Cupidon © Chokarella