L’UNESCO a confirmé, dans une lettre datée du mardi 6 mars, que le dossier de candidature du compas en vue de son inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité est techniquement recevable. Cette correspondance a été adressée au professeur Ricarson Dorcé, de l’Université d’État d’Haïti, coordinateur de cette initiative visant à renforcer l’identité culturelle haïtienne à l’échelle internationale.
Créé au milieu des années 1950 par le musicien haïtien Nemours Jean Baptiste, en collaboration avec Wobert Sicot, arrangeur et chef d’orchestre, le compas (ou compas direct) est un genre musical considéré par certains comme populaire, mais souvent marginalisé à l’échelle mondiale.
Pour changer cette perception et valoriser ce pan du patrimoine musical haïtien, Haïti a soumis en mars 2024 un dossier de candidature à l’UNESCO. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du programme de maîtrise en histoire, mémoire et patrimoine, sous la direction du professeur Dorcé, chargé du cours d’introduction au patrimoine culturel immatériel haïtien.
À la suite du dépôt, l’administration de l’UNESCO a envoyé, le 20 décembre 2024, une lettre au professeur Dorcé l’invitant à compléter certains éléments du dossier avant le 31 mars 2025. Les documents requis ont été transmis dans les délais impartis. Dans une interview accordée au journal Juno7, l’expert en patrimoine culturel a souligné l’importance de cette initiative.
« En effet, cela va donner une reconnaissance mondiale à notre culture musicale et renforcer notre identité en tant que peuple », a déclaré Ricarson Dorcé. « Cette représentation nous aidera à promouvoir et préserver nos traditions pour les générations futures », a-t-il poursuivi.
Le dossier est désormais en attente d’évaluation par l’organe compétent. Si cette étape est franchie avec succès, la candidature sera présentée devant le Comité intergouvernemental lors de sa vingtième session, prévue en décembre prochain en Inde.
Dans l’intervalle, des initiatives de sensibilisation sont prévues afin d’informer la population haïtienne de l’importance de cette candidature pour l’avenir du pays. Divers événements culturels, conférences et campagnes sur les réseaux sociaux seront organisés. Le professeur Dorcé insiste sur l’implication de tous : « Il est essentiel de leur faire comprendre qu’ils doivent s’y impliquer activement. »
Les jeunes occupent une place centrale dans cette stratégie. Des ateliers et concours musicaux seront mis en place pour encourager la créativité, tout en valorisant le compas comme outil d’expression artistique. « La classe juvénile de la société haïtienne est en plein milieu de la stratégie des têtes pensantes. Elles envisagent déjà d’organiser des ateliers et des concours de musique pour encourager les jeunes à être plus créatifs tout en utilisant ce médium qu’est le compas, afin de les aider à puiser dans leurs racines culturelles », précise Ricarson Dorcé.
Un groupe WhatsApp nommé « Konpa / UNESCO » a également été créé le 12 juin 2023 afin de rassembler les personnes engagées dans le processus. Les échanges y sont jugés constructifs. « Les artistes sont ravis que leurs œuvres aient une reconnaissance internationale. Cela va leur augmenter sans la moindre méfiance leur visibilité et leur permettre de toucher un public plus large », conclut-il.
Par ailleurs, la musique traditionnelle haïtienne connaît une présence croissante sur la scène internationale, que ce soit à travers de grands concerts accueillant jusqu’à 20 000 personnes ou par le biais de collaborations avec des artistes internationaux qui intègrent des paroles en créole haïtien sur des rythmes mêlés au compas.
Dernier exemple en date : le chanteur franco-algérien Danyl a publié, le 9 mars, une vidéo sur son compte Instagram dans laquelle il fusionne le compas avec le raï, musique traditionnelle algérienne, pour annoncer son concert prévu le 30 avril à l’Olympia de Paris.
Par Youbens Cupidon © Chokarella