Invitée de l’émission “Carel In The Morning” ce jeudi 19 juin, la maquilleuse professionnelle Karen Dupiche est revenue sur son parcours et les étapes de son ascension dans le marché américain. Première Haïtienne à avoir remporté un Emmy Awards pour sa créativité et sa régularité dans son métier à travers l’émission « The View », elle a évoqué ses expériences avec les célébrités américaines et souligné l’importance de la santé mentale.
Originaire du New Jersey, Karen Dupiche est issue d’une famille de quatre enfants. Son père et sa mère sont deux Haïtiens de souche nés respectivement dans les villes de Jérémie et d’Anse-à-Veau. Après ses études classiques, elle entame un cursus en sciences infirmières, mais décide d’abandonner en dernière année pour se consacrer au maquillage.
« Ma mère était furieuse car je devrais être graduée, cependant je me suis dit que je ne veux pas le faire, je voudrais me lancer dans le maquillage. Malheureusement elle était vraiment déçue, mais mon père m’a soutenue dès le début en m’imposant une seule condition ; de le faire bien parce qu’il estime qu’il y a beaucoup d’argent dans ce secteur », déclare Karen. « En entendant cela je lui ai dit que je vais le faire et tu seras content », ajoute-t-elle.
Karen Dupiche explique avoir respecté sa décision puisqu’elle trouve sa passion dans ce domaine. Elle prend du recul afin de comprendre le secteur dans lequel elle souhaite évoluer. En observant comment les professionnels font le maquillage à la télévision, elle se souvient avoir commencé à pratiquer sur son propre visage. Même si les premiers résultats n’étaient pas satisfaisants, elle ne se laissait pas décourager. « J’ai repris du recul une autre fois et à présent je suis active depuis trois décennies », dit-elle.
Durant ces années de persévérance et de travail, Karen poursuit son chemin avec patience. Après avoir abandonné ses études, elle commence à travailler dans un grand magasin dénommé Macy’s Store à New York, tout en se formant de manière autodidacte. Elle précise qu’elle a toujours essayé de pratiquer ce qu’elle apprenait sur les gens de son entourage sans jamais fréquenter d’école spécialisée.
« Toutes les personnes que j’ai maquillées à cette époque avaient l’air d’une bouffonne, leurs visages sont moches, car j’ai mélangé différentes couleurs dont bleue, rouge, entre autres. J’essaie juste de pratiquer. Si je pouvais les retrouver maintenant je les supplierais de s’asseoir sur ma chaise parce que c’était horrible », indique-t-elle.
Karen Dupiche confie qu’elle savait dès le début qu’elle ne voulait pas être une simple maquilleuse et qu’elle ne pourrait pas réaliser son rêve sans agir. « En effet, un jour j’ai rencontré Oprah Winfrey avec son maquilleur, je l’ai demandé comment êtes-vous devenu un maquilleur ? Ainsi il m’a demandé en retour est-ce que je suis indépendante. C’est à ce moment que j’ai fini par comprendre que si je suis toujours disponible pour fournir des services j’avancerai beaucoup plus rapidement », souligne-t-elle.
Elle poursuit son parcours en travaillant pour d’autres lignes cosmétiques sur la Cinquième Avenue, parmi lesquelles Jordie Armani. Son objectif : faire des défilés de mode. « Vous savez, les designers de mode habillent que des célébrités, et c’est ainsi que je commence à côtoyer les personnalités publiques. En même temps, je suis toujours active en tant que maquilleuse », détaille-t-elle.
En travaillant pour cette compagnie, Karen Dupiche voyage dans plusieurs pays et devient l’un de leurs meilleurs agents. Grâce à ce poste, elle rencontre des célébrités comme Bruce Willis, Denzel Washington et Samuel Jackson, qu’elle maquille. Après avoir acquis ces expériences et une certaine reconnaissance dans le milieu, elle décide de se concentrer exclusivement sur le maquillage et d’arrêter la vente.
« À la suite de cette nouvelle décision, un an plus tard, j’ai fait un virage drastique vers la télévision. L’une des productrices exécutives de l’émission “The View” me demande d’être la maquilleuse des Emmys, récompenses télévisuelles américaines décernées pour l’excellence dans l’industrie de la télévision », précise-t-elle.
Grâce à cette proposition, Karen s’investit entièrement dans sa passion. Elle indique que la productrice l’a sollicitée à trois reprises. Après ces trois demandes, elle souhaite intégrer l’équipe à temps plein. La maquilleuse commence alors à se renseigner auprès des responsables.
« Je l’ai demandée comment êtes-vous arrivée à la télévision, puis elle me demande est-ce que je voulais faire partie du syndicat. Je la demande encore une fois comment elle a fait pour y être dans le syndicat, et elle m’a expliqué », se remémore-t-elle. Un an plus tard, alors qu’elle se trouve dans ce syndicat, elle maquille une femme noire venue avec ses patronnes. Elle raconte : « Je l’ai entendu dire : voici la personne que nous devrons embaucher. »
Selon elle, ces deux femmes blanches lui demandent de revenir, précisant que c’est elle qui devra toujours maquiller cette femme noire en question. Cependant, elle refuse dans un premier temps. « J’ai dit non, je reviens tout de suite. J’ai sauté dans la voiture, je suis allée chez Armani, j’ai pris du maquillage, je suis revenue et voilà. Ils m’ont rappelée un mois plus tard, et depuis, je suis dans la même pièce », avance-t-elle.
Depuis lors, elle travaille avec une équipe rigoureuse, exigeant de maintenir un haut niveau de qualité. « Nous devons apprendre comment ajuster les caméras, faire des maquillages HD. Lorsque vous faites un maquillage HD, on prend des photos de tous les détails. Cela veut dire que si la ligne des yeux n’est pas bonne, ce n’est pas acceptable. Si ce n’est pas HD, ce n’est pas grave. Mais en HD, il faut que tout soit aligné avec la caméra », précise Karen.
Pour atteindre ce niveau d’exigence, elle indique avoir beaucoup pratiqué, allant parfois jusqu’à monopoliser ses amis pour tester de nouvelles méthodes. « J’ai travaillé au jour le jour, j’ai acheté des livres, et ensuite j’ai pris des cours car en travaillant dans le magasin de Macy’s, on nous donne des cours », déclare-t-elle.
Elle révèle avoir également travaillé pour une entreprise appelée Prescriptive, où elle apprend à faire des mélanges de couleurs personnalisées. Selon elle, cette formation lui a été précieuse pour son parcours dans l’industrie de la télévision.
Sur le ton de la confidence, Karen explique qu’elle reste toujours de bonne humeur, un état d’esprit qui l’aide dans son travail. « Parfois lorsque j’approche des clients s’ils sont de mauvaise humeur, j’apporte le bonheur. Quand il y a une personne difficile qui vient dans notre entreprise, par exemple les célébrités, elles sont parfois sur les nerfs, tournent par-ci par-là tout en demandant ce qu’elles veulent et ce dont elles ne veulent pas. Mes collègues ont peur de les approcher, ils suggèrent souvent de m’envoyer sur ce genre de travail », raconte-t-elle.
En somme, la maquilleuse, qui a été distinguée à quatre reprises aux Emmy Awards, dont une distinction en 2005 pour son travail dans l’émission The View, se dit fière d’être haïtienne. Partout où elle passe, elle incarne sa culture. “Cela vient de mes parents, ils enseignent toujours quelque chose qui est propre à notre culture. La manière dont nous marchons, nous parlons, la confiance en soi, et nous sommes très résilients”, dévoile-t-elle.
Regardez l’interview complète de Carel Pedre avec Karen Dupiche sur la chaîne YouTube de Chokarella ci-dessous :
Par Youbens Cupidon © Chokarella
