Kabysh revient sur son parcours et ses projets musicaux

Kerven Lebrun, plus connu sous le nom de scène Kabysh, poursuit sa trajectoire entre musique, écriture et théâtre. L’artiste annonce la sortie prochaine de deux morceaux en collaboration avec Manito Nation en juillet, ainsi qu’un album avec son groupe Gwolobo d’ici la fin de l’année. Il prépare également un projet personnel baptisé Lavi n ap viv la. L’occasion pour lui de revenir sur ses débuts et son rapport à l’art.

Né à Delmas 19 et ayant grandi entre Port-au-Prince et Fonds-des-Nègres, Kabysh raconte une enfance où l’autonomie a occupé une place importante : « Pas du libertinage, mais une liberté d’agir qui m’a appris très tôt à me gérer seul. Cette indépendance a beaucoup façonné mon regard. »

Le déclic musical survient en 2011, alors qu’il étudie à Saint-Louis de Gonzague. C’est lors d’un talent show qu’il monte sur scène pour la première fois. Il forme ensuite le groupe Ti Lakol, actif dans plusieurs établissements scolaires jusqu’en 2014, année où il choisit de poursuivre une carrière solo. « Tout a commencé en 2011 avec le talent show de mon école. » confie-t-il.

Il évoque également sa découverte de Gran Lakou à Delmas 19, un espace musical communautaire où, selon lui, « c’était comme une jam session permanente : improvisation, émotion, harmonie. Ce lieu a éveillé en moi un amour profond pour l’expression artistique libre. »

Mais c’est au Cap-Haïtien qu’il dit avoir trouvé un accueil décisif : « C’est le premier endroit où je me suis senti pleinement accepté en tant qu’artiste. Je me suis senti accueilli, écouté. Les gens là-bas m’ont donné confiance. Ils ont reçu ma musique sans préjugés. Beaucoup pensent même que je suis né là. »

Musique, influences et écriture

Pour Kabysh, la musique dépasse le simple cadre esthétique. « La musique, c’est vital. C’est un refuge, une arme, une voix. Elle m’ancre, surtout dans un pays comme Haïti où tout vacille. Elle me pousse à continuer. » Son univers musical, qu’il qualifie de « vivant » et enraciné dans le quotidien haïtien, mêle fusions et rythmes traditionnels. « J’expérimente toujours avec ce qui est vrai. »

Il souhaite transmettre un art fidèle à ses origines, mais aussi ouvert à la complexité humaine. « Je veux transmettre un art vrai, dénué de toute prétention. Un art qui rappelle que notre folklore, nos traditions, nos racines doivent continuer à se transmettre, sinon notre culture disparaîtra. Mais au-delà de l’héritage, j’ai envie de parler de la complexité humaine. »

Ses influences reflètent cette diversité : RAM, Boukman Eksperyans, Rockfam, Barikad Crew, mais aussi Stromae, Bob Marley, la musique cubaine et brésilienne, sans oublier la pop et le rap français. Il écrit la plupart de ses textes, tout en collaborant régulièrement avec Badio, Freki ou les membres de Gwolobo. « Le collectif me pousse à dépasser mes limites. »

Son processus créatif repose beaucoup sur l’intuition. « Parfois c’est un beat, un riff de guitare, une phrase. Parfois c’est une idée ou une douleur qui me traverse. Je laisse venir les images, j’écris beaucoup à l’instinct. » La création d’un morceau suit selon lui une logique simple : une émotion, une composition, puis l’enregistrement. « Et je m’implique dans les visuels, la scénographie, les symboles. Même si je n’ai pas encore trouvé mon langage visuel, je m’en rapproche à chaque projet. »

Plusieurs projets en préparation

Côté collaborations, Kabysh a déjà partagé l’affiche avec Boukman Eksperyans, Paul Beaubrun, Akoustik, James Germain, Manito Nation, Kolo, Ti Tanbou ou encore Lòlò. Il décrit ces expériences comme des « miroirs créatifs », précisant que « chacune de ces collaborations m’a enrichi. »

Dans l’immédiat, il planche sur plusieurs projets parallèles. D’abord, un projet collaboratif avec Manito Nation, avec deux morceaux prévus pour juillet 2025. Ensuite, un album avec son groupe Gwolobo, actuellement en phase de finalisation. Enfin, un projet personnel intitulé Lavi n ap viv la, qu’il qualifie de « concept évolutif ». Il partage déjà sur les réseaux des extraits de ce processus : « J’en partage le processus à travers des reels. montrant ma vie en Haïti, ma mémoire, ce que je vis et ce que j’aime. »

Théâtre, écriture et regard sur la création

En dehors de la musique, Kabysh est cofondateur du collectif Konbitay, un cercle littéraire et artistique tourné vers la transmission culturelle et l’éducation par l’art. « On a monté des pièces de théâtre, organisé des ateliers, transmis ce qu’on savait. Le théâtre, pour moi, c’est aussi une forme d’écriture du réel. » indique-t-il. Il y occupe plusieurs fonctions : comédien, metteur en scène, conseiller artistique.

Il se dit également passionné de cuisine, de poésie, de nouvelles, de cinéma et de théâtre. « J’aime tout ce qui touche à la création et à l’expression humaine. »

Concernant sa vision de la création, il affirme : « Je veux parler de la complexité humaine. On veut souvent nous faire rentrer dans des cases, mais l’humain est mouvant. Il apprend, il doute. Personne n’est Dieu ici. » Il dénonce par ailleurs ce qu’il perçoit comme une superficialité grandissante : « On court après des choses qui brillent, et on oublie ce qui éclaire vraiment. »

Pour lui, sa musique est une tentative de résister à cette tendance et de préserver ce qui a du sens. « Elle veut transmettre, éveiller, garder une trace de ce qui compte. »

Par Ann-Olguetty Loodjenny Dieuve © Chokarella

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